Théâtre : La Vie Matérielle, de Marguerite Duras - Avec Catherine Artigala - Adaptation Michel Monnereau - MES William Mesguich - Lucernaire - Jusqu'au 27 août 2023

 


Michel Monnereau adapte pour la scène, « La Vie Matérielle » recueil d’entretiens avec Marguerite Duras (1914-1996) menés par Jérôme Beaujour. Publié en 1987 aux éditions P.O.L, le livre dresse sur le fil d’une confession puissante, témoignage vibrant sans concession, un bilan personnel et artistique. Le choix des textes évoque au gré d’une existence foisonnante, les intermittences de la mémoire, l’éclectisme des thématiques. Sur le ton de la conversation, l’assemblage suit le flux naturel de la confidence, démêle l’écheveau des souvenirs.

Sur le plateau du Lucernaire, Catherine Artigala dirigé par William Mesguich à la mise en scène, incarne admirablement la femme de lettres, silhouette transformée par l’uniforme des dernières années, col roulé, gilet, jupe droite, grandes lunettes. Présence singulière, la comédienne évite l’écueil de l’imitation, de la caricature pour traduire une forme de vérité, une vision du personnage. Elle emprunte une diction particulière, un phrasé bien à elle, qui sonnent juste dans l’efficacité des mots et de l’émotion. Catherine Artigala se glisse dans une façon d’exister au monde, entre pudeur et franchise, douceur et colère, brutalité parfois même. Elle habite le texte.

Romancière, dramaturge, scénariste, cinéaste, Marguerite Duras est happée par sa vocation de l’écriture. A travers Catherine Artigala, elle dit l’exigence de cette voie, les convictions, comment elle renouvelle le genre romanesque, trouve sa voix, unique, reconnaissable entre toutes. Bousculant les conventions, les interdits, elle vit et créé à rebours des carcans académiques et de la bien-pensance bourgeoise. 

La lucidité, l’acuité du regard portée sur son époque sont frappantes. Tout autant que la radicalité jusqu’à l’intransigeance, l’engagement créatif total. Marguerite Duras entre humour et désillusions, audaces et insouciance, célèbre une certaine idée de la liberté. Et puis il y a les excès, l’alcool, les addictions, le revers de la célébrité, un vertige, une urgence de vivre. 




Femme complexe, au caractère hors normes, Marguerite Duras connait un destin romanesque, plusieurs existences. Sur scène sa parole intime résonne pour évoquer la famille, les hommes, les paysages, les lieux, récits d’Indochine, l’appartement de la rue Saint Benoît à Paris, la maison de Neauphle-le-Château, la Roche Noire à Trouville. Avec sensibilité, sincérité, elle convoque la mémoire de l’enfance, la figure tutélaire de la mère, elle raconte les rapports homme femme, l’amour, le sexe, sa relation avec le jeune Yann Andréa, s’interroge sur la place de la femme dans la société, le féminisme. 

Entre souvenirs concrets et réflexions personnelles, « La Vie Matérielle » invite le spectateur dans l’intimité de Marguerite Duras, récit sensible, beau moment de théâtre.

La Vie Matérielle, de Marguerite Duras
Jusqu'au 27 août 2023
Du mercredi au samedi à 21h – Dimanche 17h30

De Marguerite Duras
Adaptation Michel Monnereau
Mise en scène William Mesguich 
Avec Catherine Artigala
Création sonore Matthieu Rolin 
Lumière et décors William Mesguich 
Costumes Sonia Bosc
Production Passage production
Soutien Spectacle Adami déclencheur

Lucernaire 
53 rue Notre-Dame-des-Champs - Paris 6
Tél : 01 45 44 57 34
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.