A Sérignan, Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau, tandem d’artistes truculents, investissent le Mrac Occitanie à l’occasion de l’exposition « Meilleurs vœux de la Jamaïque ». Au gré d’une installation immersive aux allures de fête foraine, ils nous racontent l’histoire d’une résidence caribéenne de six mois. Qui n’a peut-être pas eu lieu. La réalité et la fiction s’intriquent dans un récit fantasque, au point d’abdiquer toute différenciation. L’expérience associe éléments de la culture populaire et embardées fantasmagoriques, fruits de l’inconscient et détournements réjouissants. Les facéties de Mrzyk & Moriceau éclairent leur goût pour la poésie mâtinée de trivialité. Subtil équilibre. Sur le fil, ils mêlent allègrement l’esprit surréaliste et l’esthétique pop. L’imaginaire débridé à l’œuvre emprunte la voie de l’humour acide, de l’extravagance corrosive. Clément Nouet, directeur du Mrac Occitanie et commissaire de l'exposition, orchestre cet événement insolite et provocant.
Dans le cadre de « Meilleurs vœux de la Jamaïque », le duo Mrzyk & Moriceau repense l’architecture du lieu d’exposition. L’espace vierge du musée se transforme en dédale de paravents dont les formes découpées, panneaux de bois, illustrent les grandes lignes, les épisodes marquants de la résidence artistique. Aplats de couleurs primaires, simplification des lignes, personnages hybrides, le voyage de Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau en terre Caraïbe a des allures de bande-dessinée, d’expérience psychédélique sous influence. D’improbables céramiques, un lombric géant, des palmes mocassins, un ensemble de télécommandes, une cité de mégots, auxquelles s’ajoutent des vidéos, ponctuent le parcours. Aux murs du Mrac Occitanie, rétrospective de vingt années de collaboration, ils affichent plus de cinq-cents dessins en noir et blanc, au graphisme épuré, réalisés à quatre mains. Peuplées d’un bestiaire foisonnant aux attitudes méta-humaines, les œuvres, encres sur papier sans cadre ni apprêt, sont directement punaisées au mur.
A la suite du LACMA de Los Angeles, du MAMCO à Genève, le Mrac Occitanie accueille Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau alors que le dessin, pratique jugée jusqu’alors mineure, s’affirme et se taille la part du lion sur la scène internationale de l’art contemporain. Artistes prolifiques, le couple produit des œuvres étranges, attachantes, follement drôles mais pas exemptes d’une certaine sensualité. Leur pratique plastique vécue comme un remède à la morosité invite à se détacher des univers anxiogènes contemporains.
Petra, née en 1973 à Nuremberg, Jean-François, né en 1974 à Saint-Nazaire, se rencontrent aux Beaux-Arts de Quimper en 1998. L’année suivante, ils débutent une collaboration fantasque, joyeuse. Désormais, ils vivent et travaillent à Montjean-sur-Loire. Dessin, animation, céramique pour la galerie Air de Paris, leurs créations distinctives séduisent par leur impertinence, leur humour décalé. Mrzyk & Moriceau réalisent des vidéos ainsi que des clips pour Air, Philippe Katerine, Sébastien Tellier, Justice. Leurs livres illustrés destinés à la jeunesse sont publiés aux éditions Fourmi Rouge.
L’exposition « Meilleurs vœux de la Jamaïque » retrace les six mois d’aventures vécues lors de leur résidence artistique dans les Caraïbes. Ils abolissent les frontières entre la réalité et la fiction pour mieux broder des contes surréalistes ancrés dans un réel étrange, en décalage de plus en plus flagrant tandis que la narration progresse. Les péripéties du couple ressemblent aux visions hallucinées, induites par les excès de spécialités locales, de produits psychédéliques. Leurs nuits sont agitées par des rêves d’illustrations, effets d’échelles, de matière alors qu’ils nourrissent le projet d’un film d’animation au sujet de la création de l’univers.
Au Mrac Occitanie, ils imaginent un dispositif qui augmente le nombre de murs. Pour abolir les contraintes du réel, ils interviennent sur le contexte architectural originel. L’assemblage de paravents, découpés et peints, créé de toute pièce une promenade marquée par les différentes rencontres du couple lors de leur périple. Les personnages fréquentés manifestent tous des dons de voyance et les artistes s’attachent à rendre compte des présages, prémonitions de chacun. La première entrevue déterminante donne le ton du séjour, dès leur arrivée à l’aéroport de Kingston. Un chauffeur de taxi, un peu chamane, un peu mytho, élégance de sapeur africain, souliers violets, affirme qu’il lit l’avenir dans la sauce du « poulet jerk ». Il leur prédit l’abandon du crayon pour la scie sauteuse. Le lendemain le couple fait l’acquisition de ce nouvel outil.
Une vieille dame croisée au marché d’Annotto Bay, prophétise dans les ourlets des vêtements. Elle leur indique la présence une graine magique dissimulée dans une télécommande d’occasion. Un petit garçon voit dans l’ombre de son animal de compagnie, un hutia, gros rat local, qu’il leur faut se méfier d’un certain modèle de palmes chaussures afin d’éviter un accident fatal de plongée sous-marine.
Mrzyk & Moriceau déploient ces histoires farfelues, gentiment perchées avec une précision et une efficacité visuelle remarquable. La narration vire à l’absurde, au rire assumé, revendiqué. Un joueur de ska dans une bulle de chewing-gum, un lotissement de mégots, des enfants qui jouent sous terre, les signes se déchaînent tandis que les artistes nouent une conversation avec des moules et croisent le chemin d’un lombric énorme. De plus en plus improbable, le récit se déconnecte de la réalité. Bonne humeur contagieuse.
Meilleurs vœux de la Jamaïque Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau
Jusqu'au 24 septembre 2023
Mrac Occitanie - Musée régional d’art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée
146 avenue de la plage - 34410 Sérignan
Tél : +33 (0)4 67 17 88 95
Horaires :
- Été juillet et août : Du mardi au vendredi de 11h à 9h - Samedi et dimanche de 13h à 19h. Dernière entrée au musée à 18h30.
- Septembre à juin : Du mardi au vendredi de 10h à 18h -Samedi et dimanche de 13h à 18h. Dernière entrée au musée à 17h30.
Fermé le lundi et les jours fériés.
Fermeture exceptionnelle du Mrac les 24 et 31 décembre à 16h.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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