A Châteaulin, commune du Finistère, la Générale Armoricaine, usine d’abattage et de découpe de poulets, victime de la délocalisation, est placée en liquidation judiciaire. Cette fermeture annoncée dans une région frappée par le chômage fait surgir l’angoisse insurmontable du licenciement, des fins de mois impossibles à boucler et l’insurmontable déclassement. Les ouvriers refusent d’être sacrifiés sur l’autel du profit et de la mondialisation. Le sentiment d’impuissance nourrit les crispations sociales et les revendications. Dans un mouvement désespéré, ils se lancent dans un dernier combat. Le secrétaire d’Etat à l’Industrie, Pascal Montville, homme de gauche, porteur d’idées antimondialisation et écologiques, se rend sur place. Mais déconnecté de la réalité quotidienne de ces travailleurs, il ne parvient pas à nouer le dialogue avec eux. La grogne monte, les esprits s’échauffent. Le politicien est séquestré dans un bureau. Embrasement de la colère, les ouvriers se révoltent. Dans l’usine désormais assiégée par les forces de l’ordre et les journalistes, se tiennent des débats houleux. Peu à peu, les travailleurs prennent chacun la parole, se racontent, disent leur existence. Gérard le leader syndicaliste se fait entendre. Christiane, Fatoumata, Sylviane cherchent leur place dans cette révolte ouvrière désespérée et héroïque. Les collègues se redécouvrent. Bientôt la lutte vire à la fête.
Fresque sociale et politique, « Des châteaux qui brûlent » donne la parole aux « invisibles », les ouvriers de l’agroalimentaire, victimes méprisées du néo-libéralisme. Ce récit choral empreint d’une grande humanité se distingue par son écriture, adaptation théâtrale éponyme du roman d’Arno Bertina. Publié en 2017, avant la crise des gilets jaunes, le livre rend compte d’une réalité sociale prémonitoire.
La pièce mise en scène et adaptée par Anne-Laure Liégeois s’ancre dans le réel et les problématiques contemporaines, le monde ouvrier broyé par la logique capitaliste, la crise économique, la mondialisation et les transformations profondes de la société. Exempte de manichéisme, elle ne fait pas l’impasse sur les conditions de travail à la chaîne, la déshumanisation de la production industrielle.
Cette réflexion sur la lutte des classes évoque puissamment le sentiment d’urgence, la souffrance au travail qui mènent à l’insurrection. Pertinence, justesse, empathie, acuité du regard, le propos s’inscrit dans une énergie de conviction, une absence de pathos où la tragédie flirte avec l’humour, le rire du désespoir. La mise en scène précise, rigoureuse, efficace faire retentir l’intime et les positions diverses. Elle rend intelligible l’énergie des confrontations, entre convictions et contradictions, les forces et les fragilités des intervenants, l’humiliation et les malaises existentiels.
Douze comédiens, Alvie Bitemo, Sandy Boizard, Olivier Dutilloy, Anne Girouard, Fabien Joubert, Mélisende Marchand, Marie-Christine Orry, Charles-Antoine Sanchez, Agnès Sourdillon, Assane Timbo, Olivier Werner, Laure Wolf incarnent une galerie de personnages contrastés. Diversité des personnages, de leurs parcours et des motivations, ils tentent néanmoins de trouver un discours commun. Le récit choral rend compte d’une profonde humanité profonde avec sincérité L’organisation collective progressive des protagonistes donne naissance à une solidarité nouvelle grâce à la circulation de la parole libérée. Les débats jusqu’aux divergences alimentent l’espoir d’un avenir différent.
Lâcher-prise, doutes, impossible reconnaissance, violence au bout du chemin, la réalité poignante s’exprime dans toute sa complexité, tendue dans l’espoir de réinvention de la société.
Des châteaux qui brûlent, d'après le roman d'Arno Bertina
Du 1er au 23 avril 2023
Du mardi au samedi 20h, dimanche 16h
Salle Serreau - Durée : 2h15
Adaptation Anne-Laure Liégeois avec la collaboration d'Arno Bertina
Mise en scène Anne-Laure Liégeois
Avec : Alvie Bitemo, Sandy Boizard, Olivier Dutilloy, Anne Girouard, Fabien Joubert, Mélisende Marchand, Marie-Christine Orry, Charles-Antoine Sanchez, Agnès Sourdillon, Assane Timbo, Olivier Werner, Laure Wolf
Scénographie : Aurélie Thomas et Anne-Laure Liégeois
Lumière : Guillaume Tesson
Costumes : Séverine Thiebault
Administration et production : Mathilde Priolet
Production Le Festin – Compagnie Anne-Laure Liégeois en coproduction avec Le Volcan Scène nationale Le Havre, La Comédie de Saint – Étienne Centre dramatique national, Maison de la Culture d’Amiens, La Filature Scène nationale de Mulhouse, Le Théâtre de l’Union Centre dramatique national de Limoges, L’Equinoxe Scène nationale de Châteauroux, et Le Manège Scène nationale de Maubeuge
Avec la participation artistique du Studio | ESCA
Construction décor Atelier de la Comédie de Saint-Étienne.
Théâtre de la Tempête - Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre - Paris 12
Tél : 01 43 28 36 36
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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