Paraplégique depuis un grave accident de la circulation, Joseph, écrivain, a dû renoncer à son existence très active. Désormais cloué dans un fauteuil roulant, il a cédé à la tentation du repli. Il s’est isolé loin du monde dans un appartement encombré de cartons de livres, les vestiges de sa vie passée. Sa carapace de morosité dissimule une profonde tristesse, une détresse indicible. Il recrute par petite annonce Mila, jeune femme pétillante qui multiplie les petits boulots alimentaires. Peut-être pour un poste d’auxiliaire de vie. Néanmoins, il s’avère rapidement que Joseph lui a confié une toute autre mission que les tâches ménagères. Une mission inattendue.
« Le manteau de Janis », comédie douce-amère dont l’intrigue associe rire et émotions, fonctionne sur la dynamique des contraires. Entre deux personnages que tout oppose se noue une amitié inattendue. L’humour noir de Joseph se confronte à l’effronterie joyeuse de Mila. Leurs univers, milieux sociaux radicalement différents, se télescopent. La rencontre entre le quinquagénaire, intellectuel psychorigide sur les principes et le bon français, et la trentenaire précaire, spontanée qui s’exprime dans une langue fantaisiste, ne s’inscrit pas dans un rapport de séduction. La pétulante Mila va pourtant changer la vie du morose Joseph.
L’auteur, Alain Teulié, dramaturge, homme de télévision et comédien, a construit ce huis clos en courtes saynètes, jouant sur les ellipses, les indices. De rebondissements, en retournements de situation, il conduit le spectateur sur de fausses pistes. Les affrontements, les ruptures, les réconciliations nourrissent le suspense jusqu’au dénouement. La mise en scène efficace, rythmée, est signée Philipe Lelièvre et Delphine Piard. Au centre du plateau, le réfrigérateur joue le rôle de pivot incongru dans un décor dépouillé imaginé par Capucine Grou-Radenez. La bande son, la musique, les goûts de Joseph, Vivaldi, Bach, les Rolling Stones, Janis Joplin, ceux de Mila plutôt le rap, transporte la pièce.
« Le manteau de Janis » n’a pas pour sujet le handicap. Pourtant, la pièce rend compte en filigrane de la réalité d’une vie en fauteuil. Sans pathos, sans atermoiements larmoyants, elle raconte l’isolement des personnes à mobilité réduite. Les deux comédiens convaincants portent un texte inspiré, belle alchimie, énergie communicative. Ils prêtent leurs traits à des personnages d’une grande finesse psychologique. Philippe Lelièvre incarne un Joseph, peu avenant depuis son accident, bourru, empêché mais qui a gardé un humour corrosif face à Alysson Paradis lumineuse, dans le rôle d’une Mila sans filtre, d’un optimisme radical. Elle apporte la douceur dont il manque cruellement. Il reprend goût à la vie grâce à ce véritable tourbillon de joie de vivre. La première impression, celle d’une jeune femme irréfléchie, cède progressivement à la figure d’une Mila animée d’une véritable intelligence.
Pudeur, empathie, tendresse, une pièce sensible, touchante et drôle.
Le manteau de Janis, d’Alain Teulié
Jusqu’au 30 avril 2023
Du mardi au samedi à 21h - Matinées le dimanche à 15h
Mise en scène de Philippe Lelièvre et Delphine Piard
Avec Alysson Paradis et Philippe Lelièvre
Décors de Capucine Grou-Radenez
Costumes de Claire Djemah
Lumières de Philippe Sazerat
Théâtre du Petit-Montparnasse
31 Rue de la Gaîté - Paris 14
Tél : 01 43 22 77 74
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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