Cinéma : Stella est amoureuse, de Sylvie Verheyde - Avec Flavie Delangle, Marina Foïs, Benjamin Biolay


Pour Stella, la parenthèse estivale en Italie avec ses copines prend fin à la rentrée scolaire 1985. Fille de modestes cafetiers, elle a intégré en sixième un lycée d’un quartier huppé. Toujours un peu en décalage avec ses camarades, désormais en terminale, pour elle l’année du bac ne s’annonce pas bien excitante. L’environnement familial se délite. Son père, absent, un penchant certain pour la bouteille, a quitté sa mère pour une femme plus jeune qui porte le même prénom qu’elle. Stella entretient des relations complexes avec sa mère qui entre mélancolie désabusée et instabilité, traîne un spleen qui tourne à la dépression. La jeune fille découvre alors les nuits parisiennes, notamment les Bains Douches, la mythique boîte de nuit. C’est le coup de foudre sur la piste de danse. Dans un certain aveuglement, elle s’éprend du mystérieux, André dandy androgyne. Pas très concernée par ses études qu’elle néglige, Stella se contente de faire acte de présence au lycée. Plutôt que de s’interroger sur l’avenir, elle n’a qu’une envie retrouver le jeune homme sous les stroboscopes.






La réalisatrice Sylvie Verheyde poursuit son introspection biographique avec la suite du film « Stella » (2008), qui relatait son entrée en sixième en 1977 et l’intégration d’une gamine d’un milieu populaire dans un lycée fréquentée par les enfants de la bourgeoisie. La chronique adolescente en diptyque, marquée en sous-texte par l’idée de déterminisme sociale aborde dans ce second volet le passage à l’âge adulte. Dans un registre intimiste, la cinéaste capture la légèreté de cette période charnière fiévreuse et révoltée. Correspondances, frustrations et révélations, Sylvie Verheyde raconte la trajectoire sensible d’une jeune fille à la croisée des chemins. 

« Stella est amoureuse » traduit la nostalgie d’une époque, le charme particulier des années 1980. La reconstitution redonne chair à une atmosphère, immersion sensorielle dans l’allégresse d’un âge et d’un temps, la mode, la musique. Les tubes des années 1980, Indeep, New order, Christophe, Tom Tom Club rythment une bande originale vintage entraînante. Evoquant les nuits aux Bains Douches, Sylvie Verheyde fait l’impasse sur les poncifs mortifères, drogues et sexualité débridée, pour se concentrer sur l’électricité, la vitalité de l’instant. Par les séquences dansées, elle saisit l’enthousiasme de la faune noctambule, la jeunesse en quête de soi. 




Dans ce récit d’apprentissage incarné, la réalisatrice embrasse le point de vue féminin et montre la réalité à travers les yeux de son héroïne. Stella cherche à s’émanciper, à trouver les moyens de son indépendance pour trouver sa place. Sautes d’humeur propres à l’adolescence, émotions vécues plus intensément, elle est à l’âge des possibles, celui des premières fois, des découvertes, des grands emballements et des déceptions. La jeune comédienne Flavie Delangle, épatante, lui prête ses traits. Observatrice à la frontière des mondes, le bistrot de quartier et le lycée huppé, le jour et la nuit, Stella est prise dans une boucle romanesque entre le milieu populaire d’où elle vient, bourgeois où elle suit ses études et branché où elle passe ses nuits. La réalisatrice nous dit l’éclatement du cercle familial, à cet âge de décristallisation auquel évoluent les rapports parents/enfant. Benjamin Biolay et Marina Foïs en parents largués sont très convaincants. 

A l’écran Sylvie Verheyde traduit l’énergie de la jeunesse, les états d’âme fluctuants et vient couronner l’amour en force émancipatrice. Un film au charme irrésistible. 

Stella est amoureuse, de Sylvie Verheyde
Avec Flavie Delangle, Marina Foïs, Benjamin Biolay, Louise Malek, Prune Richard, Agathe Saliou, Léonie Dahan-Lamort, Claire Guineau, Dixon
Sortie le 14 décembre 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.