Au XIXème siècle, dans la campagne finlandaise, sept frères, orphelins turbulents à la mauvaise réputation, tiennent tant bien que mal la ferme de la Jukola héritée de leurs parents. Querelleurs, ivrognes, paresseux, ces vauriens boudent les obligations liées à l’entretien de l’exploitation, préférant s’adonner à des passe-temps frivoles, la chasse, les jeux idiots, les plaisirs, la fête, les excès d’alcool, les altercations avinées. Tandis que le nouveau pasteur lance une campagne d’alphabétisation, les frères qui ont échappé à l’école durant une grande partie de leur vie sont tournés en ridicule par les villageois pour leur manque d’instruction. Leur goût de l’oisiveté et leur manque de courage pour les travaux agricoles les poussent à mettre en location les terres familiales. Ils choisissent d’aller vivre au fin fond de la forêt plutôt que de se soumettre aux injonctions de la société. Ou de répondre de leurs méfaits face à la justice. Quittant la civilisation, ils se dérobent à leur devoir et retournent à l’état sauvage. Mais l’expérience tourne à l’aigre rapidement. Les sept frères qui passent leur temps à se chamailler plus ou moins violemment mettent le feu à leur sauna puis à la cabane tout juste construite. Contraint de s’enfuir en chemise dans la neige, ils se retrouvent sans rien. De péripéties lamentables en mésaventures cocasses, la nature va leur apprendre le droit chemin et les assagir.
Considéré comme le premier roman significatif de langue finnoise, « Les Sept Frères » Aleksis Kivi (1834-1872) a été publié en 1870. Au réalisme d’une écriture empreinte d’oralité répond les embardées burlesques, les détours par la farce morale sur le fil d’un humour malicieux. Le texte est ponctué de nombreux dialogues proches du théâtre, insolite variété. La satire bouillonnante grossit les traits de caractère des uns, l’amplitude des événements frappant les autres. Au gré des aventures d’une fratrie de paysans analphabètes, Aleksis Kivi capture un peu de l’âme nationale. Chaque frère en évoluant incarne une facette des valeurs finlandaises, un stéréotype tout symbolique. Roman initiatique, les sept hommes surmontent les épreuves, pour acquérir raison, discernement, maturité.
Le récit parcouru de contes et légendes embrasse une forme de réalisme-magique. La poésie surgit de l’intrusion fantastique, l’expressivité d’une fougue, d’une énergie propre au roman épique. L’auteur exprime un tempérament, les éléments disparates d’une civilisation. Il traduit la vitalité de l’esprit finlandais. Les tribulations cocasses décrites par Aleksis Kivi nourrissent un propos aussi narquois que fraternel. Le texte, plein d’empathie pour les humbles, fait l’éloge de la vie paysanne, sa simplicité ancrée dans la terre, son authenticité. Ici, les décors majestueux deviennent personnages. La Finlande le pays aux mille lacs déploie ses beautés, forêts, hautes plaines, mares. Les frères vont trouver leur rédemption dans leur proximité avec la nature. Ils y trouveront la sagesse ancestrale frappée du bon sens paysan.
Les Sept Frères - Aleksis Kivi - Editions Stock
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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