Cinéma : Les Amandiers, de Valeria Bruni Tedeschi - Avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel, Micha Lescot

 


A la fin des années 1980, Stella, jeune comédienne intègre l’école du théâtre des Amandiers, à Nanterre. Une formation sous la double tutelle de Pierre Romans directeur de l’Ecole et Patrice Chéreau directeur du théâtre. Etienne, Adèle, Victor, Claire et Stella ont été choisis pour réaliser leur destin, fouler les planches de cette institution aux méthodes uniques. Ils vivent les excès de la jeunesse, les émotions plus fortes, prennent des risques, se mettent en danger dans une période marquée par l’ombre du Sida et de la drogue. Stella et Etienne, écorché vif, héroïnomane, vivent un amour fou. Les pensionnaires de l’école peu à peu font troupe dans une dynamique de groupe où le collectif les révèle à eux-mêmes. Intensité, effusions, euphorie, introspection, les élèves de l'École des Amandiers répètent la pièce « Platonov » d'Anton Tchekhov mise en scène par Patrice Chéreau qu’il adaptera avec la même distribution au cinéma en 1987, sous le titre « Hôtel de France ».








Démarche intimiste, variations autobiographiques, regard pénétrant, Valeria Bruni-Tedeschi explore son histoire personnelle et évoque ses années d’apprentissage, l’origine de son impérieuse vocation de comédienne. Le scénario, qu’elle signe avec ses complices Noémie Lvovsky, Agnès de Sacy, développe sur un ton très personnel une réflexion sur ce curieux métier, cet art de l’acteur.

Patrick Chéreau dirige le Centre dramatique national, théâtre des Amandiers de Nanterre de 1982 à 1990. Pierre Romans, le centre de formation des comédiens. A vingt-deux ans, Valeria Bruni-Tedeschi rejoint l’Ecole où elle rencontre celui qui deviendra son compagnon, Thierry Ravel, disparu à l’âge de vingt-huit ans. Elle évoque cette promotion 1986/87, celle d’une génération de talents, parmi lesquels, Agnès Jaoui, Vincent Pérez, Marianne Denicourt, Bernard Nissille, Eva Ionesco, Thibault de Montalembert, Bruno Todeschini…

Valeria Bruni-Tesdechi leur invente des doubles de fiction portés par une même intégrité, une intensité fascinante, insouciance encore. Elle réinvente cette troupe avec de jeunes acteurs formidables. Stella, incarnée Nadia Tereszkiewicz, solaire, Etienne, par Sofiane Bennacer, tout en justesse et fragilité, trouvent leur voie, se soumettent aux demandes extrêmes de leur enseignants pour devenir comédien. Un sacerdoce. Ils consument leur jeunesse. « Les Amandiers » convoque le souvenir d’une admirable troupe qui prend naissance au cœur des années 1980, période tragique et romanesque. Le film baigne dans une atmosphère crépusculaire, un sentiment d’urgence à vivre. 



La réalisatrice trace le portrait lucide et inspiré d’une génération à un tournant, émergence de grands talents, la relation particulière entre les membres de cette tribu d’élus. Elle parvient à capter l’énergie de cette époque, la rendre palpable sans complaisance, avec une certaine gravité et un humour plein d’autodérision sur sa propre jeunesse. Pas d’impasse sur les ravages de la drogue et du Sida, les addictions, les violences conjugales, le drame omniprésent. Valeria Bruni-Tedeschi filme les visages, les corps, habités par leur passion, par leur métier, l’exaltation, la rage de vivre de ces comédiens en devenir qui brûlent leur existence par les deux bouts.  

Le film rend hommage à l’héritage de Pierre Romans à qui Micha Lescot prête ses traits et Patrice Chéreau, incarné par Louis Garrel dont la méthode en tant que directeur d’acteur a marqué profondément des générations d’acteurs. « Les Amandiers » tend à désacraliser la figure mythique du metteur en scène, réalisateur, producteur, scénariste, en auscultant cette réputation de despote colérique qui était un accoucheur de talent. Transmission, amour de l’art, Patrice Chéreau exigeait un investissement physique et psychologique, un engagement émotionnel au service de l’expressivité, une abnégation totale. « Les Amandiers » nous invité à aimer les acteurs, le théâtre, le cinéma.

Les Amandiers, de Valeria Bruni Tedeschi
Avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel, Micha Lescot, Clara Bretheau, Noham Edje, Vassili Schneider, Eva Danino, Oscar Lesage, Suzanne Lindon, Isabelle Renauld, Sandra Nkaké, Farida Rahouadj
Sortie le 16 novembre 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.