Paris : Le Défenseur du Temps, renaissance d'une horloge monumentale signée Jacques Monestier sous l'impulsion du plasticien Cyprien Gaillard

 


Inauguré dans le quartier de l’Horloge en 1979, « Le Défenseur du Temps », horloge monumentale à automates de Jacques Monestier, s’était figé depuis près de vingt ans. En 2003, le budget alloué à son entretien est retiré. Jacques Monestier prend alors la décision de suspendre l’activité de l’horloge afin de limiter les dégâts. « Le Défenseur du temps » plonge dans un long sommeil que ne troubleront pas les vaines tentatives entreprises afin de réunir les fonds nécessaires à la restauration. L’oeuvre d’art public fait alors figure de petit patrimoine aussi insolite qu’oublié, voué à une lente décrépitude. L’horloge singulière, laissée à l’abandon, connaît un sort similaire à l’ensemble où elle se trouve, devenu symbole de la débâcle urbanistique des années 1970. Deux décennies après son arrêt, le plasticien Cyprien Gaillard, qui enfant était fasciné par cette création, voit l’opportunité d’une renaissance lorsqu’il est contacté en 2019 par la Fondation Lafayette Anticipations. Invité à intervenir au sein de l’institution, il formule une double exposition « Humpty / Dumpty », dont le second volet, témoigne de la réanimation horlogère du « Défenseur du Temps », initiée en accord avec Jacques Monestier. Ici, le processus devient une oeuvre éphémère à part entière.








Cyprien Gaillard porte son regard sur les marges, les espaces alternatifs. Il éclaire les cycles de délitement et de reconstruction de la cité, à la périphérie de la ville somptuaire. Paris en pleine rénovation à l’occasion des Jeux Olympiques 2024, est devenu ces dernières années un vaste chantier. Les monuments les plus célèbres, les bâtiments iconiques, les infrastructures touristiques font l’objet d’une restauration maniaque visant à faire disparaître les marques d’usure du temps qui passe. La ville figée, muséifiée, lieu d’expression matérielle du pouvoir politique, met en scène l’ordre factif d’un environnement urbain normé. Et faute de budget, de temps, traduit dans les faits une hiérarchisation du patrimoine. L’indifférence des édiles face au lent délitement du « Défenseur du Temps » exprime un choix idéologique à forte charge libérale.

Sculpture animée, un guerrier armé d’une épée et d’un bouclier, lutte à intervalles réguliers, juché sur un rocher, contre les éléments, symbolisés par un crabe, l’eau, un oiseau, l’air, un dragon, la terre. Une tonne, près de cinq mètres de haut, l’horloge monumentale livre un spectacle digne des plus spectaculaires vitrines de Noël. L’attachement personnel, sentimental, de Cyprien Gaillard à cette oeuvre a nourri l’idée de sa renaissance. Les démarches de restauration rendent hommage à son ami Gaël Foucher, disparu en 2013, avec lequel l’artiste fréquentait le quartier, enfant. Impossible retour. « Le Défenseur du Temps » restauré et décontextualisé, sera exposé jusqu'au 8 janvier 2022 à la Fondation Lafayette Anticipations au cœur du bâtiment modulatoire à plateformes mobiles de l’architecte Rem Koolhaas. Seul le personnage principal n’a pas été nettoyé. Les dégradations visibles, métal corrodé, encore couvert de fientes de pigeons, rouille, oxydation, illustrent la longue période d’abandon.







La restauration a été menée par l’entreprise Prêtre et Fils, fondée à la fin du XVIIIème siècle. A Mamirolle, dans le Doubs, la maison familiale qui perdure grâce à la septième génération d’artisans, est spécialiste en création et rénovation d’horloges monumentales. Elle s’est illustrée en intervenant au château de Versailles, au château de Chambord, au Grand Palais. Labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant depuis 2014, la maison Prêtre et Fils a su diversifier ses compétences en intégrant les évolutions techniques à ses savoir-faire traditionnels. Dans le cas du « Défenseur du Temps », les artisans sont intervenus pour remettre en état l’électronique ainsi que les quinze vérins à air comprimé qui animent les créatures. Le mécanisme en sommeil depuis vingt ans a nécessité une minutie particulière du fait de la délicatesse des circuits pneumatiques. Les pièces uniques ont été recrées sur mesure lorsqu’elles étaient trop abîmées. 

Sous l’impulsion de Cyprien Gaillard, la rénovation de l’oeuvre transposée dans un nouveau contexte s’est fait acte de création. En septembre 2022, « Le Défenseur du Temps » rapatrié à Paris a pris place à la Fondation Lafayette Anticipations. Le second volet de l’exposition « Humpty / Dumpty a été inauguré le 18 « octobre 2022. "Le Défenseur du Temps" dont les joutes marquaient les heures, mène ses combats tous les quarts d’heure. Cette fréquence inusité, choisie par Cyprien Gaillard, permettrait de rattraper le temps perdu durant vingt années de sommeil, de coma. A l’issue de l’exposition, « Le Défenseur du Temps » retrouvera son emplacement d’origine et ses réglages initiaux imaginés par Jacques Monestier. 

Cyprien Gaillard - Dumpty
Jusqu'au 8 janvier 2023

Lafayette Anticipations - Fondation Galeries Lafayette
9 Rue du Plâtre - Paris 4
Tél : 01 42 74 95 59
Horaires : Du mercredi au lundi de 11h à 19h - Fermé le mardi
lafayetteanticipations.com
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.