Ailleurs : Chambord, un chef-d'oeuvre de la Renaissance en pleine révolution



Symbole de la Renaissance dans le monde entier, le château de Chambord fête en 2019 le 500ème anniversaire du début du chantier engagé en 1519. Lorsqu'il est suspendu en 1549, peu de temps après la mort du roi survenue en 1547, l’édifice est inachevé mais il aura joué avec faste son rôle d’étendard de la puissance royale de François Ier. Cette grandiose réalisation illustre dans la pierre la magnificence d’un souverain passionné par les arts et les lettres. Léonard de Vinci, invité à la cour de France en tant que « premier peintre, architecte et ingénieur du roi » décède à Amboise en mai 1519 avant que le commencement des travaux. S’il n’est pas l’architecte officiel du château de Chambord, le plan du château et ses aspects techniques portent la marque de son génie, le flanc centré du donjon, l’escalier à double révolution, le système d’aération, l’étanchéité, les latrines à double fosse. Etape de la cour itinérante, Chambord ne sera jamais réellement une résidence royale. François Ier lui-même n’y séjournera que 50 jours. Palais des plaisirs, lieu de divertissement, sous Louis XIV - Molière y donne le 14 octobre 1670 la première représentation de la comédie-ballet écrite en collaboration avec Lully, Le Bourgeois gentilhomme - jusqu’à nos jours avec les chasses présidentielles, le château a accueilli de nombreux hôtes illustres.











Classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981, Chambord véritable œuvre d’art présente néanmoins un aspect singulier, des proportions aussi étranges qu’inattendues. Haut de 56 mètres, large de façades à la sobriété exemplaire courant sur 156 mètres de long, le château est riche de 440 pièces. Salle des chasses, salle des jeux, galerie des trophées, 60 pièces en visite libre conduisent les visiteurs à travers les différentes époques. Dans l’aile Est, les appartements richement meublés évoquent les hôtes successifs, du XVIIème au XVIIIème siècle, et les différents styles décoratifs.  Dans l’aile Ouest, la chapelle construite à l’intérieur d’une tour d’angle demeure une étape cruciale de la visite.

A Chambord, les murs, les plafonds aux voûtes à plein cintre ornées de caissons, les portes sont gravés aux emblèmes du roi, François Ier. La salamandre et le F sont omniprésents. Dans la croyance populaire, le sympathique amphibien aurait été capable de résister aux flammes donnant un sens particulier à la devise du roi « Je me nourris du bon feu, j’éteins le mauvais ». Jusqu’à présent, du fait des difficultés de conservation, la Renaissance était peu illustrée à Chambord. Un vaste projet de décors replace désormais François Ier, le grand commanditaire du château, au cœur de la visite. Jacques Garcia, décorateur et scénographe, a été mandé afin de recréer certains décors de la cour itinérante, selon les témoignages de la dernière visite du roi en 1545. Cinq pièces ont été entièrement rhabillées parmi lesquelles une interprétation des appartements du roi plus conforme à la réalité historique ainsi qu’une reconstitution du théâtre de Molière conçu selon le souhait de Louis XIV. Je vous en dis plus à ce sujet ici.











Parmi les 77 escaliers, le clou du spectacle demeure sans contexte celui à double révolution inspiré par les travaux de Léonard de Vinci. La spirale ajourée à double rampe est encastrée dans une cage octogonale en pierre blanche de tuffeau. Les salles sont organisées autour de cet escalier selon un plan en forme de croix.

L’immense donjon carré surmonté de la tour lanterne dessert chaque étage. Elle culmine à 52 mètres de haut. Sur les toits, le foisonnement de tourelles, de clochetons, de cheminées, de lanternes, compose une véritable forêt architecturale. Chambord, le plus prestigieux des châteaux de la Loire, l’un des plus beaux et des plus grands du monde, il faudrait près de 12 heures pour le visiter entièrement, est aujourd’hui un joyau en pleine mutation.












Depuis 1930 le domaine appartient à l’Etat qui diminue peu à peu les subventions. Le château dont les dépenses sont soutenues à hauteur de 10% par trois ministères différents doit trouver des solutions pour s’autofinancer. Dans ce but, les administrateurs du château multiplient les sources de revenus notamment les attractions. Chambord a engagé une véritable révolution, une métamorphose.

A la tête du domaine depuis 2010, Jean d’Haussonville poursuit deux objectifs, accroître son rayonnement et atteindre cette indépendance financière d’ici 2020. Chambord se réinvente en permanence afin de séduire les visiteurs, toucher de nouveaux publics variés. A l’occasion des 500 ans du monument, de nombreux événements ont été mis en place, parmi lesquels une exposition événement, Chambord 1519-2019 l’utopie à l’oeuvre dont je vous parlais ici.











En 2017, la restitution des 6,5 hectares de jardins à la française tels qu’ils étaient au XVIIIème siècle au pied même du château a été rendue possible grâce à la générosité d’un riche mécène américain qui a déboursé 3,5 millions d’euros. Après 16 ans d’études préalables, les jardins ont entièrement recréés en quelques mois, 600 arbres, 800 arbustes, 200 rosiers, 15 250 plantes, 18 874 m2 de pelouses. 

La cuvée Chambord 2019, un vin issu des vignes biologiques du château, célèbre le demi-millénaire.  En effet, 14 hectares de vignes ont été plantés comme François Ier l’avait fait il y a 500 ans. Chaque pied est parrainé par un particulier à hauteur de 1000 euros pour avoir l’honneur d’avoir un cep à son nom. 600 mécènes ont déjà répondu à l’appel et les administrateurs ont l’espoir de toucher 10 000 particuliers au total, ce qui pourrait rapporter au château 10 millions d’euros. 

Plus grand parc clos d’Europe, le domaine de Chambord s’étend sur 5 440 hectares, cerné de 32 km de murs. Cette réserve naturelle, où flore et faune s’épanouissent, cerfs et sangliers en liberté, se déploie sur un territoire aussi vaste que Paris. 1000 hectares sont ouverts au public pour des balades à vélo, à pied, à cheval, en calèche.









Grâce aux nouvelles attractions, la fréquentation du domaine de Chambord a augmenté pour atteindre les 800 000 visiteurs l’an passé. Les entrées ont rapporté 6 millions d’euros, ce qui couvre un quart du budget dont le château a besoin pour fonctionner, assurer l’entretien de 5000 objets et œuvres d’art tous classés au patrimoine national et parer aux imprévus comme les inondations historiques de 2016 qui ont endommagé des salles et submergé les jardins.

A Chambord, le temps moyen de visite est compris entre 3 et 4 heures. Afin d’augmenter, les recettes et retenir les visiteurs, un hôtel de luxe repensé par l’architecte Jean-Michel Wilmotte a été inauguré. Trois gîtes aménagés dans d’anciens bureaux offrent l’occasion unique de passer une nuit face au château et de profiter du parc au petit matin sans un seul touriste.

Domaine national de Chambord
Château de Chambord 
41250 Chambord
Horaires d’ouverture du monument de 9h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.