Cinéma : Paraiso, un documentaire de Sérgio Tréfaut

 

Avant les grands bouleversements de la pandémie mondiale, chaque jour à la tombée de la nuit des personnes âgées, des octogénaires, des nonagénaires et même une centenaire, parfois diminuées physiquement, se retrouvent dans les jardins de l’ancien palais présidentiel à Rio de Janeiro pour chanter. A cappella ou accompagnés d’instruments transportés jusqu’au parc, ces anonymes entonnent le répertoire populaire de chansons d’amour, les romances d’autrefois, devenues intemporelles. Sur des airs de samba, choros, bossa, saudades, ils s’essaient aux airs les plus fameux de Mestre Pixinquinha, Noel Rosa, Chico Buarque, Lupicino Rodrigues, Nelson Gonçalves, Dolores Duran, Roberto Carlos. Ils reprennent en chœur les refrains, emportés par leurs souvenirs, ceux de leur jeunesse. Au fil des réminiscences, les moments de joie, de peine, les émotions affleurent. Les yeux brillent sous les applaudissements bienveillants. Bonheur de faire communauté, l’âme du Brésil. Ces réunions autour de l’art porteur d’espoir, de bonheur, ont transformé leurs existences. Véritables antidotes à la solitude, au sentiment d’abandon, elles sont devenues leur raison de vivre. Les personnes âgées fragiles ont été les premières victimes du Coronavirus faute de soins adaptés. Ce documentaire leur rend hommage. 







« Paraiso », le paradis, ce sont ces jardins du Palais Catete, bâtiment historique de Rio, un lieu idyllique désormais ouvert au public. C’est aussi la communauté de personnes âgées qui échappent à la difficulté de leur quotidien grâce à ces sessions de chant. Le réalisateur Sérgio Tréfaut, né au Brésil, à Sao Paulo, d’une mère française et d’un père portugais, exilé en France puis au Portugal, a parcouru le monde durant quarante ans, réalisant des œuvres de fiction, des documentaires. A cinquante ans passés, il signe son retour au pays natal par un film de réconciliation avec le Brésil, à un moment de tourmente. Bolsonara vient tout juste d’être élu. Symbole de son attachement et de l’identité brésilienne, la musique traditionnelle, les chants populaires confèrent à ce documentaire une saveur toute particulière.

Grand Prix du documentaire musical 2022 au FIPDOC, festival international du film documentaire, « Paraiso » capture une atmosphère d’allégresse, de partage, de convivialité. Sérgio Tréfaut porte à l’écran des instantanés plein d’espoir. Les personnes du troisième âge qu’il nous présente, au crépuscule de leur existence, apparaissent vibrants de joie de vivre. Il filme le plaisir de se retrouver au quotidien, de chanter ensemble l’amour, se raconter des histoires. Performances de ces anciens aux sons de mélopées familières, exercices de chant et sensualité de la langue, le réalisateur capture bien plus que la musique, ou les voix altérées par l’âge. Il révèle les sourires, l’émotion, le ravissement de cet art découvert tardivement ou pratiqué depuis longtemps, la variété des talents et des interprétations. Autant de moments touchants qui initient des dialogues. 



Ces passionnés livrent de puissants témoignages sur leur existence. Sérgio Tréfaut nous montre les répétitions, les rituels, la mise en place des cercles, et à la fin de la soirée le rangement. Invité dans l’intimité de certains chanteurs, il dit la solitude la métropole, le sort réservé aux personnes âgées, la précarité des retraités, leur vulnérabilité, les logements de misère. 

Profondément humain, poignant, « Paraiso » célèbre la mémoire de ces anciens dont beaucoup ont été décimés par le Coronavirus, toute une génération disparue, emportée par la pandémie.

Paraiso, un documentaire de Sérgio Tréfaut
Sortie le 9 novembre 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.