Nos Adresses : Les Fous de l'Île, brasserie allègre dans l'air du temps - Paris 4

 


Les Fous de l’Île, brasserie légère dans l’air du temps, table travaillée dans le sens de la convivialité, fait figure de rareté parmi les attrape-touristes de l’Île Saint Louis, les propositions exsangues, sans âme ni goût. Le savoir-faire d’Emile et Boris Bazan, les serial restaurateurs à la tête du groupe les Becs parisiens, Christine, Colvert, Chocho a redonné vie à cette vénérable institution. L’accueil énergique plein d’entrain y est décisif. L’établissement faussement innocent, exempt de prétention, brasse une clientèle cosmopolite, séduisant autant de touristes que d’autochtones. Reflet de l’époque, de la mutation des genres, la carte sait manier la tendance, le terroir, le patrimoine et l’envie de modernité. Le menu efficace au déjeuner en semaine propose une formule entrée / plat / dessert à prix tout doux. 








Aux Fous de l’Île, le décor cahote à sa façon, une esthétique sans chichi qui cherche un style à ce cadre amusant, indocile, des plaisirs hédonistes à la bonne franquette. Le lieu bien agencé développe une scénographie intelligente qui valorise des espaces atypiques, dont une curieuse verrière en fond de salle. Un très beau comptoir en zinc à l’ancienne, petites tables bistrot, des banquettes rendues douillettes par pléthore de coussins, une collection de poulets, objets insolites disposés dans les niches d’une vaste bibliothèque.

Au sous-sol, se trouve un secret délicieux, une cave à vin lieu de dégustation, « Wine room », où dorment plus de cinq-cents références. La carte foisonnante comporte de nombreuses références originales et de grands classiques. Les coups de cœur de vignerons côtoient les cuvées méconnues, avec une attention toute particulière pour les vins nature, bio, en biodynamie et les formats inhabituels, jéroboam, réhoboam pour les tablées en famille, entre amis.







Le chef Jonathan Lafon, passé par Potel & Chabot, Fauchon, resté durant neuf ans au Relais Plaza d’Alain Ducasse oeuvre aux fourneaux avec précision. Il renouvelle la carte en fonction des saisons et du marché. Les propositions du jour s’alignent sur l’arrivage. Le respect de la saisonnalité [table découverte début septembre] exalte les goûts. Le souci de la traçabilité s’inscrit dans une valorisation des circuits courts. 

Les bons produits travaillés bruts célèbrent la relation de confiance nouée avec les petits producteurs, des artisans tels que le maraîcher Christophe Latour, la maison Anthony maître fromager depuis 1979. La maîtrise des cuissons, les assaisonnements rigoureux jouent l’absence d’artifice, nourritures provocantes sur le papier, tendres en bouche. L’irruption de personnages, de vedettes, une volaille des Landes, des tomates anciennes, une carotte de chez Latour, vient ancrer la cuisine dans son temps, ses valeurs. 

Les cocktails ont bien de l’esprit en compagnie d’un tatziki maison épatant. La Marée Noire, vodka Pyla infusée au romarin, amaretto et citron pressé, navigue en eaux troubles, parfums délicats de pinède amalfitaine. Le Vert Galant, vodka, liqueur de pomme verte, jus de citron et basilic frais d’une fraîcheur toute estivale rend hommage à Henri IV et son appétence pour les jeunes beautés.







La simplicité exempte de technicité de la toute belle burrata des Pouilles, tomates anciennes de la maison Latour, pesto, basilic, file droit au but. Le poulpe tiède, avocat et condiment jalapeno hésite sur sa nationalité, tangue dans la rondeur de l’avocat relevée à souhait.

Les compositions véloces et indolores, oublient parfois les contrechamps, éludent le propos. La bonhomie des assiettes loin d’être chiches atteste d’une franchise de bon aloi, sincérité alléchante. Belles notes italiennes, patrimoine français à l’honneur se précisent avec enthousiasme. Cette bonne chère qui aligne les saveurs du registre classique modernisé et les envolées végétariennes efficaces, se picore gracieusement. 

La généreuse volaille jaune des Landes, gnochetti de la maison Briardines, épinards, crème vin jaune, gentiment grassouillette, bulle gaillardement dans son assiette. Le risotto arborio, girolles, parmesan, tumulus rassurant glisse sans vague.






En dessert, le brownie au chocolat et noix de pécan vise le régressif, le chocolat en majesté. Le délice de dernières framboises fraîches, crème montée au basilic, sorbet framboise de chez Berthillon rappelle la fin de l’été. A noter tout de même que l’emplacement se paie, l’addition sera en conséquence. Mais la bonne humeur de la maison nous portera à l’indulgence. 

Les Fous de l’île
33 rue des Deux Ponts - Paris 4
Tél : 01 43 25 76 67
Horaires : Du lundi au vendredi déjeuner de midi à 14h30, dîner de 18h30 à 22h30 - Samedi et dimanche en continu de 12h à 22h30 




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un blog culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.