Expo : Carte Blanche à Anri Sala - Time no longer - Bourse de Commerce - Pinault Collection - Jusqu'au 16 janvier 2023



L'intervention carte blanche d'Anri Sala à la Bourse de Commerce ouvre le dernier volet de la saison artistique "Une seconde d'éternité". L'évènement emprunte son titre à l'oeuvre de l'artiste belge Marcel Broodthaers datant de 1971, elle-même inspirée par les mots de Charles Baudelaire qui souhaitait capturer "dans une seconde, l'infini de la jouissance". La manifestation propose une réflexion sur les thématiques du rapport au temps, des cycles, de l'absence, de l'incarnation. Artiste d'origine albanaise, Anri Sala compose des vidéos mélodiques, images infusées de musique qui entrent volontiers en résonance avec l'architecture des lieux investis. L'écran incurvé sur lequel est diffusé le film "Time no longer" épouse la courbe de la Rotonde. Entre le Passage, l'Auditorium et le Foyer, Anri Sala déploie un ensemble de pièces, "Time no longer" (2021), "Take over" (2017), "1395 days without red" (2011), "Another solo in the Doldrums (extended play)" (2012). Il initie une chorégraphie, déambulation d'une oeuvre à l'autre, toutes synchronisées. 

L'expérience active du spectateur, fruit d'une scénographie maîtrisée, tient une place prépondérante dans la pratique artistique d’Anri Sala. Les oeuvres hantées par la musique, matière plastique, langage alternatif empreint d'une dramaturgie évidente, inventent leurs propres espace-temps. Ce tropisme musical induit des altérations dans la perception, suscite le trouble. Anri Sala cherche à traduire le chaos des hommes, capter le pouls, le coeur battant du monde. Les installations cultivent de nouveaux récits, fugacité des images, ancrage dans l'instant présent, effacement immédiat. Dans les vitrines du Passage, Anri Sala dispose en regard des gravures zoologiques de la faune marine et des dessins à l'encre de couleur reproduisant la topographie de pays, dont les lignes sont déformées pour épouser la silhouette des créatures en contrepoint. Ces vingt-quatre diptyques "Untitled / Map Species (2018-2022) interrogent la notion de frontières.

 

Time no longer - 2021

Time no longer - 2021

Time no longer - 2021

Time no longer - 2021


Né à Tirana en 1974, Anri Sala intègre les Arts Déco à Paris en 1996, puis le Studio Le Fresnoy à Tourcoing. Prix spécial du jeune artiste à la Biennale de Venise en 2001, il représente la France en 2013. Il vit et travaille à Berlin. Depuis plus de vingt ans, il questionne la réalité du temps par le biais de vidéos, véritables courts métrages aux accents cinématographiques. Il donne corps aux ambivalences, tente de rendre compte de l'insaisissable expérience du temps. Mélomane, Anri Sala a étudié le violon durant huit ans. Ses intuitions, ses fulgurances empruntent le langage alternatif de la musique. Il accorde une grande importance à la collaboration qu’il entretient avec son ingénieur du son, Olivier Goinard, distingué à deux reprises aux César pour "Le chant du loup" et "Adolescentes". 

Le discours structuré du plasticien soutient la précision de la forme, "narration abstraite". Le travail d’Anri Sala s’inscrit dans une double démarche esthétique et politique, embrassant les bouleversements passés et présent, pour mieux préparer le futur, mieux définir les engagements militants. Il cherche à altérer le rapport au temps "continuum de présences et de flux". Les nappes musicales structurent les films, leur donnent souffle. Anri Sala orchestre des expériences immersives au gré desquelles la musique médium propre à brouiller les sensations, bouge les frontières sensorielles. L'instant présent se perd dans le temps.


Take over - 2017

Take over - 2017

Take over - 2017

Another solo in the Doldrums (extended play) 2012


A l’occasion de la carte blanche à Anri Sala, un écran de cinquante-cinq mètres s’est lové contre la paroi de la rotonde. Dans la pénombre bleutée d’une vidéo hypnotique, un tourne-disque en apesanteur effectue des révolutions dans un mouvement perpétuel. « Time no longer » (2021), film réalisé en images de synthèse avec des logiciels de simulation se déroule au sein d’une réplique en 3D de l'ISS, la station spatiale internationale. Catapultée dans l'espace, la platine pivote sur un axe fixe, chorégraphie affranchie de la gravité terrestre. Le bras articulé s'anime sous l'effet de forces cosmiques. Le diamant se pose de façon aléatoire sur les sillons. Les soubresauts laissent entendre des bribes de l'"Abîme des oiseaux", l'un des mouvements du "Quatuor pour la fin du temps" composé en 1941 par Olivier Messiaen alors détenu dans un stalag en Allemagne, pour l’un de ses codétenus, joueur de clarinette. 

La mélopée résonne au hasard, extraits mélancoliques. Ici la clarinette dialogue avec un saxophone en hommage à la figure méconnue de Ronald McNair, astronaute africain-américain, disparu dans la catastrophe de la navette Challenger, qui a explosé soixante-treize secondes après son décollage en 1986. Saxophoniste amateur, il rêvait d'être le premier à enregistrer un solo dans l'espace et cet enregistrement aurait dû être utilisé dans le cadre d'un concert de Jean-Michel Jarre à Houston en 1986. Les instruments fantômes font écho à ces deux hommes.



Untitled / Map Species (2018-2022)

Untitled / Map Species (2018-2022)


Untitled / Map Species (2018-2022)

« 1395 days without red » projeté dans l'Auditorium évoque la durée du siège de Sarajevo, de 1992 à 1995, durant la Guerre de Bosnie Herzégovine. Le titre renvoie à la consigne diffusée dans la population de ne jamais porter de rouge pour éviter d'attirer l'attention, de devenir la cible des snipers en embuscade. Dans ce court-métrage, une musicienne, incarnée par la comédienne espagnole Maribel Verdù, traverse la ville désertée malgré la meance pour se rendre à une répétition d'une symphonie de Tchaïkovski, "La Pathétique". La musique ici remplace les dialogues. Lors du processus d’écriture Anri Sala a fait appel au chef d'orchestre et compositeur Ari Benjamin Meyers. Le conflit passé évoque puissamment la situation actuelle en Ukraine comme si jamais rien ne changeait, que l’humanité était définitivement bloquée dans une boucle temporelle, condamnée à réitérer sans cesse les mêmes erreurs, les mêmes horreurs. 

Time no longer - Anri Sala
Jusqu'au 16 janvier 2023

Bourse de Commerce - Pinault Collection
2 rue de Viarmes - Paris 1

Tél : 01 55 04 60 60
Horaires : Ouvert du lundi au dimanche de 11h00 à 19h00 - Nocturne le vendredi jusqu’à 21h00 - Le premier samedi du mois, nocturne gratuite de 17h à 21h - Fermé le mardi
pinaultcollection.com
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.