Portrait de Parisien : Daesung Lee, photographe humaniste, témoin des périls contemporains, observateur engagé

Daesung Lee - On the shore of a vanishing island - 2011 - Courtesy of the artist


Le photographe Daesung Lee donne à voir des images poétiques porteuses de sens. Il éveille les consciences par le beau, dans des mises en scène à mi-chemin entre constat documentaire et idéalisation picturale. Sa photographie, médium plastique, vocabulaire iconographique accessible, s’inscrit dans une démarche compréhensible par tous. Outil de mobilisation, de militantisme, la pratique de Daesung Lee se fait langage social par excellence. Ses compositions dénotent une culture artistique pointue. Il associe symboles, métaphores, éléments fondateurs d’un point de vue alternatif empreint de valeurs humanistes. Daesung Lee pose un regard bienveillant sur le genre humain. Il va à la rencontre de ses frères, ses semblables. Absence de voyeurisme, de sensationnalisme, il collabore avec les personnes photographiées. L’observateur empathique se lie d’amitié, noue des liens de confiance. Ethique, il établit un dialogue d’égal à égal avec ses sujets devenus acteurs. Afin de raconter leurs histoires de déracinement, de violence subie, celle de la disparition des écosystèmes et des sociétés traditionnelles liées à l’environnement qui les a produites, il partage leur quotidien, revendique la solidarité.



Daesung Lee - On the shore of a vanishing island - 2011
Courtesy of the artist

Daesung Lee - On the shore of a vanishing island - 2011
Courtesy of the artist

Daesung Lee - On the shore of a vanishing island - 2011
Courtesy of the artist


Né en 1975 à Busan en Corée du Nord, Daesung Lee découvre la photographie à l’âge de dix ans en jouant avec un vieil appareil argentique familial. Il intègre les Beaux-Arts section photographie de l’Université Chung-Ang de Séoul au début des années 2000. Diplômé, il promène son objectif travers le monde. Sa pratique de la photographie documentaire traduit un engagement politique et social. Surgissement de la fiction, Daesung Lee prend peu à peu goût à la scénographie. Il déploie des narrations complexes, multiplie les niveaux de lecture. Distingué par de nombreux prix internationaux, il vit et travaille en France. Aux problématiques universelles, Daesung Lee répond par le récit des destinées intimes. Volonté d’alerter, de sensibiliser à grande échelle, ses photographies dénoncent les conséquences de la crise environnementale, l’absurdité de la course à la croissance et des modes de vies consuméristes. En creux, il vient souligner l’indifférence vis à vis de la détresse de ceux qui souffrent des conséquences de notre civilisation globalisée, malade d’elle-même. Prospérité de façade et spoliation des ressources. Les premières victimes de la crise climatique, les sociétés traditionnelles, sont également les moins polluantes. Au bout du monde, ces populations sacrifiées paient le prix de la dilapidation des ressources naturelles, de notre technophilie vorace, de l’urbanisation galopante.

Daesung Lee signe des images faussement innocentes dont le propos se révèle mordant, narquois, parfois mélancolique, dépourvu de la moindre mièvrerie. En sous-texte, l’humour manifeste le refus du désespoir, la résistance à l’inexorable destin promis. De la tragédie à la farce, il glisse dans ses compositions des éléments perturbateurs qui changent la manière de voir, remettent en question les certitudes acquises. Les informations, les idées passent. Les photographies empruntent la voie décalée d’un réalisme poétique. La narration bousculée place la réalité en perspective. Daesung Lee propose un point de vue plastique et philosophique sur les réalités de l’époque. Il élargit nos horizons sur de nouveaux paysages hantés symboles de l’avenir tragique des réfugiés climatiques, victimes dont le statut n’est toujours pas reconnu par le droit international et dont le nombre va croissant. 

La série « On the shore of a Vanishing Island » (2011), raconte l’île de Ghoramara, dans le delta des Sundarban, golfe du Bengale. Sur les rivages d’une terre engloutie par la montée des eaux, les pâtures abîmées dans la mer, les maisons emportées, les habitants posent dans la simplicité du quotidien. Ici, le photographe documente l’anéantissement des héritages humains du fait de la crise climatique. Il capture la beauté irréelle des paysages et le destin tragique de ces populations qui n’auront d’autre choix que de fuir, arrachées à leurs racines. L’idéologie libérale entraîne l’inexorable disparition des civilisations traditionnelles, dépendantes des environnements. L’aveuglement au sort de l’autre, l’individualisme destructeur, la destruction du lien, des communautés sont devenues les standards d’une société mondialisée en voie de déshumanisation. Dans cette série, Daesung Lee esquisse les grandes lignes d’un projet politique, contribuer à la reconstruction symbolique et morale en collaboration avec les gens, les sujets et leur environnement.


Daesung Lee - Futuristic Archeology - 2015
Courtesy of the artist

Daesung Lee - Futuristic Archeology - 2015
Courtesy of the artist

Daesung Lee - Futuristic Archeology - 2015
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Les modes de vie traditionnels sont condamnés, les populations contraintes à l’exil, au déracinement. La série « Futuristic Archeology » (2015), réalisée dans le désert de Gobi en Mongolie, évoque les effets délétères de la mondialisation économique. L’élevage intensif des chèvres exogènes pour la production du cachemire dans un territoire où traditionnellement paissaient des moutons respectueux de l’environnement, détruit l’écosystème. La terre devenue stérile, le changement climatique achève de rendre la vie impossible. La rigueur des conditions croit, les nomades renoncent à la tradition pastorale. Quittant la steppe, ils n’ont d’autre choix que de se sédentariser, de rejoindre la ville où se perd leur identité. Leur culture sombre dans l’oubli. Paradoxe ultime, les artefacts mongoles subsistent dans les musées à l’autre bout de la planète. Ils y sont célébrés par les responsables même de la disparition de ces civilisations, les porteurs de pulls en cachemire, les automobilistes amateurs de SUV... 

Daesung Lee met en scène ce processus vertigineux en associant les habitants à sa démarche. Au cœur des plaines arides, il plante des panneaux, dioramas sur lesquels s’affichent les paysages verdoyants idylliques d’un temps révolu. Là où la nature est encore préservée, il affiche les photographies des lieux dévastés, espaces virtuels des possibles, vertige des certitudes douloureuses. Fiction et réalité entrent en collision, décalage du passé, du présent, du futur, ce qui est, ce qui a disparu, ce qui est voué à disparaître. Le contexte international de la crise climatique nourrit la montée en puissance des antagonismes ainsi que le sentiment d’insécurité. L’avenir incertain remet en question la transmission. Daesung Lee propose de reformuler des repères identitaires en dévoilant une vision personnelle de la réalité. Il interpelle les consciences.


Daesung Lee - La forêt rouge - 2018
Courtesy of the artist

Daesung Lee - La forêt rouge - 2018
Courtesy of the artist

Daesung Lee - La forêt rouge - 2018
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La série « La forêt rouge » (2018), livre et exposition, se lit telle une fable contemporaine, celle fatale et pérenne de la radioactivité. En Ukraine rurale, dans un pays marqué par le stigmate du nucléaire, l’accident à la centrale de Tchernobyl, Daesung Lee a convaincu une famille puis tout un village, des enfants aux aînés, de participer à son projet. Effet de réel, esthétique de photojournalisme, la série raconte l’histoire d’un esprit luminescent au cœur de la forêt. Héritière d’une lignée de chamanes chargée d’apaiser sa colère par des rituels, une fillette atteint l’âge d’initiation. Au cours d’une mystérieuse cérémonie, elle devient la protectrice de la forêt. Le photographe déploie son récit dans un jeu d’aller-retour entre réel et fiction. Que voir et que croire de cette théâtralisation symbolique ?

La toxicité aussi fatale que pérenne des déchets nucléaires, estimée à 100 000 ans, rend les sites d’enfouissement dangereux à très long terme. Ainsi les scientifiques se sont penchés sur les moyens susceptibles de prévenir les générations futures de la nocivité de ces lieux. Des générations ayant perdu la signification des écritures et langages actuels. Comment conserver le sens des signes à travers les millénaires à venir ? Au début des années 1980, Thomas Sebeok (1920-2001), sémioticien et linguiste américain, rédige un rapport destiné au bureau américain de la gestion des déchets nucléaires. « Communication Measures to Bridge Ten Millenia » examine alors les solutions au problème des signes, des messages et panneaux d’avertissement. Selon le rapport, seule la création de zones d’exclusion par le tabou d’ordre religieux, légende transmise dans une communauté de culture de parents à enfants, serait susceptible de perdurer suffisamment longtemps pour prévenir le désastre.



Daesung Lee - Parallel Universe - Self 07 Saint Laurent - 2022
Courtesy of the artist

Daesung Lee - Parallel Universe - Self 07 Saint Laurent
Courtesy of the artist

Daesung Lee - Parallel Universe - Self 07 Saint Laurent
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Depuis 2009, Daesung Lee travaille sur la mémoire de la guerre civile et du génocide en Bosnie. Oeuvre riche, complexe, placée sous le signe de la bienveillance, il célèbre la fraternité entre les individus, la beauté d’une humanité en péril. 

Sa plus récente série a été développée dans le cadre du projet SELF, initié par la maison Saint Laurent. Chaque année la griffe française fait appel à des plasticiens, des photographes, des cinéastes pour présenter leur vision de Saint Laurent. A l’occasion de la septième édition en 2022, le directeur artistique Anthony Vaccarello a sélectionné six photographes de l’agence Magnum, parmi lesquels Daesung Lee, afin d’exposer leurs productions à New York, Shanghai, Londres, Paris, Séoul et Tokyo.

Daesung Lee 


Expositions solo

2022
On the Shore of a Vanishing Island, Galerie Écho 119 - Paris, France
Saint Laurent Self 07 « Parallel universe » - Séoul, Corée du Sud

2020
La forêt rouge, La maison de la fontaine - Brest, France

2019
Futuristic Archaeology, Galerie Écho 119 - Paris, France
Futuristic Archaeology, Museo Municipal de Bellas Artes de Tandil - Argentine

2018
La forêt rouge, Centre d’Art Contemporain H2M - Bourg-en-Bresse
Futuristic Archaeology, Festival de la Luz - Buenos-Aires, Argentine

2016
On the Shore of a Vanishing Island, Passage Sainte-Croix - Nantes
Futuristic Archaeology, Cortona On the Move - Cortona, Italie

2015
“On the shore of a vanishing island” - Catherine Edelman Gallery, Chicago, U.S

2014
On the Shore of a Vanishing Island, Amy-d Arte Spazio - Milan, Italie 


Expositions de groupe

2019
F2 Fotofestival, Dortmund, Allemagne

2018
Photo Phnom Penh Festival - Phnom Penh, Cambodge
Breda Photo Festival - Breda, Pays-Bas
Acampa Festival - Coruna, Espagne
Saison Photographique de l’Abbaye Royale de l’Épau - Yvré-l'Évêque

2017
Photolux festival - Lucca, Italie
Back-light Photo Festival - Tampere, Finlande

2016
Angkor Photo Festival - Angkor, Cambodge
Foto Istanbul - Istanbul, Turquie
Getxo Photo Festival - Getxo, Espagne
Gibelina PhotoRoad - Sicile, Italie
Projection Voies-off, Festival d’Arles - Arles, France
La Gacilly Photo Festival - La Gacilly, France
Riga Photo Month - Riga, Lettonie
MIA Photo Fair - Milan, Italie

2015
Festival - Bratislava, Slovaquie
Festival della scienza - Gênes, Italie
Belo Horizonte International Photography Festival - Belo Horizonte, Brésil
Tokyo International Photo Festival - Tokyo, Japon
Photoquai 2015, Musée du Quai Branly - Paris, France
Organ Vida International Photo Festival - Zagreb, Croatie
Athens Photo Festival, Benaki Museum - Athènes, Grèce
The Curve Exhibition - Santa Fe Photography Festival - Santa Fe, Etats-Unis
Flash Forward Festival - Boston, Etats-Unis
Barcelona International Photography Awards 2015, Valid Foto Gallery - Barcelone, Espagne 
“Memorie di equilibrio”, Amy-D arte spazio - Milan, Italie

2014
Organ Vida International Photo Festival - Zagreb, Croatie
Environmental photographer of the year 2014, Royal Geographic Society - Londres, Royaume-Uni
Sony World Photography Awards 2013, Month of Photography - Bratislava, Slovaquie

2013
Sony World Photography Awards 2013 Exhibition, Somerset House - Londres, Royaume-Uni


Prix

2017
Tokyo International Photo Festival, Japon - Finaliste
Bourse de l’Association des Amis du Musée Albert Kahn, France - Finaliste

2016
Prix Pictet, Suisse - Nominé
Prix Voies-Off - Arles, France - Lauréat
Riga Photo Month - Riga, Lettonie - Finaliste

2015
Belo Horizonte International Photography Festival, Brésil - Finaliste
Tokyo International Photography Festival, Japon - Finaliste
Organ Vida International Photo Festival, Croatie - Finaliste
Cortona International Photo Festival Award 2015, Italie - Lauréat
Athens Photo Festival, Grèce - Finaliste
Sony World Photography Awards 2015 - 2ème Prix, Professionnels - Catégorie “Conceptuel”
Lens Culture Portrait Awards 2015 - Lauréat
The Choice Awards, Santa Fe Photo Festival, Etats-Unis - 2ème Prix
Barcelona International Photography Awards 2015, Espagne - Lauréat

2014
Lens Culture Visual Story Telling Award 2014 - Lauréat
Organ Vida international photo Festival 2014, Croatie - Finaliste
Environmental photographer of the year 2014, Royaume-Uni - Finaliste

2013
Sony World Photography Awards 2013 - 3ème Prix, Professionnels - Catégorie “Questions contemporaines”


Foires

2022
Galerie Écho 119 at Photo Basel 2022, Galerie Écho 119

2019
Galerie &CO119 at Photo Basel 2019, Galerie Écho 119



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.