Ailleurs : Le Pied, le Pull-Over, le Système Digestif, trois sculptures monumentales de Daniel Dewar et Grégory Gicquel à Saint-Nazaire, 34ème oeuvre pérenne du parcours artistique Estuaire Nantes Saint-Nazaire

 


« Le Pied, le Pull-Over, le Système Digestif », un ensemble de trois sculptures monumentales signé Daniel Dewar et Grégory Gicquel a trouvé place à Saint-Nazaire, sur la petite plage devant la Capitainerie. Ce lieu singulier mi-portuaire mi-balnéaire, juste en face de la place du Commando, accueille depuis janvier 2021 la trente-quatrième oeuvre pérenne du parcours Estuaire Nantes Saint Nazaire. Le tronçon permanent du Voyage à Nantes, initié en 2007, est au fil du temps, devenu un véritable musée à ciel ouvert. Dialogue renouvelé entre les propositions plastiques et leur environnement, naturel, industriel, urbain, il s’étend sur cent-vingt kilomètres le long des rives de la Loire. 

« Le Pied, le Pull-Over, le Système Digestif » est la troisième oeuvre implantée à Saint Nazaire après la « Suite de triangles » de l’artiste suisse Felice Varini, anamorphose réalisée en 2007 sur le toit de la Terrasse panoramique de l’écluse fortifiée, désormais musée du sous-marin Espadon et « Le jardin du Tiers Paysage » de Gilles Clément sur le toit de la base sous-marine. Sur la plage du bassin dit « la pince de crabe » entre les deux jetées de l’avant-port, les trois sculptures de Daniel Dewar et Grégory Gicquel ont été pensées in sitù, à l’échelle du paysage. La couleur du gravier utilisé pour le béton a été choisie en fonction de la teinte chaude du sable. Aujourd’hui, selon le niveau de la marée, les trois sculptures sont plus ou moins immergées. Soumises au processus d’érosion naturelle par l’effet du sable, de l’eau, de la météo, le développement de la faune et de la flore, leur allure de vestiges archéologiques contemporains, se renforce au gré des saisons.






Daniel Dewar, né en 1976 à Forest of Dean en Angleterre et Grégory Gicquel, né en 1975 à Saint-Brieuc, se rencontrent en 1997 aux Beaux-Arts de Rennes. Diplômés en 2000, ils poursuivent depuis un travail à quatre mains d’exploration de la sculpture monumentale. Lauréats en 2012 du prix Marcel Duchamp, ils détournent les standards esthétiques classiques au profit d’un propos contemporain subversif. A Saint-Nazaire, « Le Pied, le Pull-Over, le Système Digestif » évoque les ruines d’une humanité fractionnée, divisée. « Le Pied » procède d’une esthétique antique sorte de colosse de Rhodes déboulonné par les éléments. « Le Pull-over » représente l’idée du quotidien moderne, des balades sur la plage, bottes en plastique au pied et chandail épais sur les épaules. « Le système digestif », controversé dans le cœur des promeneurs, laisse voir la plus profonde intimité de l’Homme. 

Esthétique détachée des conventions académiques, Daniel Dewar et Grégory Gicquel associent culture classique et culture populaire. Ils se penchent sur le devenir de notre civilisation appelée à disparaître. « Le Pied, le Pull-Over, le Système Digestif » convoque le souvenir des dernières images du film « La planète des Singes » réalisé par Franklin Schaffner en 1968. En sous-texte, les artistes semblent nous parler de la destruction des écosystèmes qui engendrera fatalement la disparition des sociétés humaines. La montée du niveau de la mer, la puissance des marées et la multiplication des catastrophes naturelles annoncent des lendemains sinistres. L’individualisme forcené, l’indifférence au sort des autres, fruits de la philosophie néo-libérale dominante ne promettent que la fin de notre espèce.

Daniel Dewar et Grégory Gicquel font un usage alternatif des matériaux. Ils revisitent les savoir-faire artisanaux à l’aune des innovations technologiques. Leur démarche s’inscrit dans une voie expérimentale, hybridation des styles, des genres. Ils croisent principes érudits et apprentissage empirique dans une relecture ludique de l’histoire de l’art et de l’artisanat traditionnel, principes culturels originels. Ils mènent en parallèle une réflexion sur les matériaux, leur origine, leur nature, leur principe de fabrication. Pierre, bois, textile, céramique, béton, ils détournent les usages traditionnels pour créer






A Saint-Nazaire, le tandem Dewar-Gicquel a eu carte blanche pour intervenir. Le budget total de cette commande publique s’est élevé à 754 000 euros dont 60 000 financés par la Ville. Opération cofinancée par l’Union européenne dans le cadre du fonds européen de développement régional, la différence a été prise en charge par le DRAC Pays de la Loire, le département de la Loire Atlantique, Le Voyage à Nantes. Chaque sculpture, entre quatre et dix tonnes, est fractionnée en de multiples éléments. Les blocs de béton coulé en usine sont assemblés ensuite sur place. Ces éléments préfabriqués ont été façonnés par le groupe ETPO, entreprise de travaux publics de l’Ouest, basé à Saint-Herblain. Le processus industrialisé sélectionné par le duo de plasticiens s’inspire des étapes de la sculpture classique. Les maquettes en argile réalisées au préalable sont agrandies afin de produire des moules. Les dimensions monumentales des sculptures, le pied mesure 4,5 mètres de haut, 8 mètres de large, le pull-over 6,5 mètres de haut et 4,5 mètres de large, le système digestif 5 mètres de haut, ont nécessité des mesures d’ancrage particulières. L’entreprise spécialisée Charier GC, basée à Montoir-de-Bretagne, est intervenue pour couler les fondations en béton, six à huit pieds selon les modules, fixés dans la roche à une profondeur de 2,5 mètres à 3,5 mètres.

Invitation à la déambulation, « Le Pied, le Pull-Over, le Système Digestif » a fait l’objet de controverses dès son implantation. Fatum de toute intervention d’art contemporain dans l’espace public. Dès décembre 2020, un mois avant l’inauguration, dégradation vandale ou humour potache, les ongles du « Pied » étaient peints en rouge par des petits malins. Qu’interroge cette oeuvre à force de bousculer les certitudes ?
 
Le Pied, le Pull-Over, le Système Digestif - Daniel Dewar et Grégory Gicquel
Plage dite de "la pince du crabe" 
Place du Commando - 44600 Saint-Nazaire

Estuaire Nantes Saint-Nazaire

Le Voyage à Nantes
9 Rue des États – 44000 Nantes
Horaires accueil du public : Ouvert 7J/7 de 10h à 18h - Jeudi à partir de 11h (10h pendant les vacances) - Dimanche et jours fériés de 10h à 17h - Fermeture annuelle le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai
levoyageanantes.fr



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.