Cinéma : L'Ombre de Goya par Jean-Claude Carrière, un documentaire de Jose Luis Lopez-Linares

 

Le cinéaste Jose Luis Lopez-Linares auteur en 2016 d’un documentaire remarqué au sujet de Jérôme Bosch en 2016, se glisse le temps d’un périple de dix jours, à la suite de Jean-Claude Carrière (1931-2021) sur les traces de Francisco de Goya (1746-1828). En Espagne, ils arpentent ensemble les lieux où le peintre aragonais a vécu et travaillé. Le long-métrage trace un double portrait. Celui de l’artiste du XVIIIème siècle et en creux celui de notre érudit contemporain, un homme âgé, quatre-vingt-neuf ans au moment du tournage, vivacité de la réflexion intacte, envergure de la mémoire impressionnante. Cette excursion d’un fin lettré, puit de science malicieux, écrivain et scénariste prolifique, a fait partie de la sélection Cannes Classics 2022. La caméra accompagne Jean-Claude Carrière dans une déambulation éclairée, véritable plongée au cœur du mystère, celui d’une oeuvre et d’un homme. Baroque et romantique, réaliste et fantasmagorique, Goya, peintre de cour et du peuple, frappé de surdité, mort en exil à Bordeaux, représentait les puissants et les miséreux sur un même plan. Tableaux, gravures, dessins, fresques disent la trivialité de la condition humaine, la dualité de toute chose, joie et drame, rêve et cauchemar. Goya s’attachait à capturer la monstruosité ordinaire, les créatures chimériques des songes comme les horreurs des guerres napoléoniennes. Avec sincérité et lucidité, ses œuvres capturent la cruauté d’une époque.








Homme de lettres et de cinéma grand amoureux des arts, Jean-Claude Carrière, fin connaisseur de l’oeuvre de Goya, a cosigné avec Miloš Forman en 2006, le scénario du film « Les Fantômes de Goya ». Sous l’œil de Jose Luis Lopez-Linarez, il s’inspire de l’instant, improvise en conteur flamboyant. Il se fait passeur et partage son admiration, son émotion, transmet l’art de savoir regarder. 

La précision du propos s’inscrit dans un ensemble de considérations personnelles fruits d’une réflexion profonde, d’intuitions fulgurantes. Avec enthousiasme, il décrypte les œuvres de Goya, son approche esthétique et sociétale. Considération de l’oeuvre dans son ensemble, la beauté des images parle aussi de la proximité de la mort, d’une certaine inclinaison morbide.

Collaborateur durant dix-neuf ans de Luis Buñuel, natif de l’Aragon comme Goya, Jean-Claude Carrière lance des ponts, noue des correspondances entre les deux artistes, leur même sensibilité exacerbée. Il interroge le rayonnement d’une iconographie, la puissance picturale de Goya, inspiration des contemporains issus du monde du cinéma, des lettres, des arts plastiques, de la musique. 




Jean-Claude Carrière se rend dans les hauts lieux de la culture, le musée du Prado à Madrid, et visite le pays de l’intime, la dernière maison en Espagne La Quinta del Sordo aux fresques sombres, torturées. Dans un exercice d’admiration passionné, il analyse des œuvres, la beauté furieuse, le foisonnement. Le film convie en commentateurs avisés l’artiste Julian Schnabel, le réalisateur Carlos Saura, l’astrophysicien Michel Carré, la femme de lettres Nahal Tajadod, la conservatrice de la peinture hispanique du Musée du Louvre Charlotte Chastel-Rousseau. Passionnant et crépusculaire.

L'Ombre de Goya par Jean-Claude Carrière, de Jose Luis Lopez-Linares
Sortie le 21 septembre 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.