Artiste prolifique, inclassable, Jean Dubuffet (1901-1985) défend tout au long de sa carrière une conception alternative de l’art, dans le rejet de la culture dominante. Cet iconoclaste inclassable fait preuve d’une indépendance d’esprit radicale. Sa quête plastique procède de l’inattendu, d’une vérité du surgissement. Le théoricien de l’Art brut, terme inventé en 1945, célèbre une expression artistique spontanée, détachée des canons officiels ou de toute influence académique. Quarante ans après sa disparition, le Musée d’art Roger Quilliot de Clermont-Ferrand présente la première exposition développée autour des liens particuliers noués entre Jean Dubuffet et l’Auvergne. Sur cette terre de ruralité idéale selon lui, il rencontre écrivains et artistes avec lesquels il entretient de longues amitiés. Grâce aux prêts consentis par des musées et des collectionneurs privés, la directrice adjointe du MARQ, Pauline Goutain, commissaire de l’exposition « Sur les traces de Jean Dubuffet en Auvergne », a réuni tableaux, dessins, sculptures, documents variés autour de cette thématique. L’ensemble illustre une vision très personnelle du territoire et les rapports fraternels de l’artiste avec les grandes figures locales. A découvrir jusqu’au 30 octobre 2022.
Réfractaire aux normes culturelles, Jean Dubuffet revendique pour son propre compte une liberté formelle absolue qu’il retrouve dans l’Art brut. Il se désolidarise des académismes de son temps, des chapelles d’écoles et autres courants officiels. Par l’expérimentation de la matière, il réinvente le geste artistique à travers les variations de médiums, d’explorations relativement classiques jusqu’aux embardées fantaisistes associant papier mâché, terre, sable. Son travail initié dans la période de l’après-guerre est marqué par une grande versatilité.
En 1945 Pierre Balme (1882-1963) fondateur de la revue « L’Auvergne littéraire », médecin militaire, érudit passionné d’histoire, d’archéologie, réunit une assemblée de fins lettrés au château de Saint-Genés-la-Tourette. Il invite écrivains et artistes auvergnats et convie Dubuffet à les rejoindre. A cette occasion, ce dernier fait la connaissance d’Henri Pourrat (1887-1959) natif de la région, auteur de contes, romans et essais inspirés des traditions populaires régionales. Par la suite, il rencontre Philippe Kaeppelin (1918-2011) plasticien et sculpteur puis en 1947 Alexandre Vialatte (1901-1971) écrivain journaliste, grande plume de La Montagne. De cette joyeuse amitié, même humour, même goût pour l’insolite, demeurent une abondante correspondance, des textes et de nombreux dessins.
De 1954 à 1955, Jean Dubuffet séjourne à Durtol à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand. Il accompagne son épouse Emilie Cornu-Dubuffet, dite Lili, malade des poumons qui est suivie au sanatorium fondé par Charles Sabourin (1849-1920), chercheur émérite et pneumologue. A cette occasion, Dubuffet découvre de nouveaux matériaux, la pierre volcanique de Volvic et la pouzzolane, avec lesquelles il réalise les « Petites statues de la vie précaire ». Il peint des séries, les Herbes, les Vaches et de nombreux paysages. L’exposition rend hommage à Lili dont le soutien et l’influence sur l’oeuvre de Dubuffet furent déterminants.
La section consacrée à la période de Saint Paul de Vence, met en avant les Hautes Pâtes et le cycle de l’Hourloupe que viennent éclairer les écrits de Vialatte. Le texte au sujet de l’exposition qui se tient en 1954 à la galerie Augustinci est intégralement retranscrit. Dans ses chroniques publiées dans La Montagne, l’écrivain développe la notion de Grand Magma pour désigner les travaux de Dubuffet.
Une quatrième section réservée à la collection des « Barbus Müller », icônes de l’art brut, baptisés en hommage à leur apparence velue et à leur collectionneur précurseur, complète l’exposition. Elle éclaire l’origine auvergnate de ces curieuses réalisations. Une trentaine de sculptures sont exposées parmi lesquelles cinq découvertes en 2021 et présentées pour la première fois au public. Les statuettes sculptées dans du granit et de la pierre de lave évoquent par leurs lignes archaïques les monolithes de l’île de Pâques. Leur origine est demeurée longtemps incertaine. Un grand nombre de ces figures ont été découvertes chez un antiquaire en 1940 par le collectionneur Josef Müller. Le mystère des statuettes associées aux collections d’art brut de Dubuffet a été levé en 2017 par les recherches de Bruno Montpied, peintre, chercheur indépendant et spécialiste d'art singulier, menées en collaboration avec la Ville de Chambon-sur-lac et l’Université de Rennes II. La plupart des œuvres sont désormais attribuées à Antoine Rabany (1844-1919) cultivateur auvergnat, ancien zouave, né et mort à Chambon-sur-Lac.
Sur les pas de Dubuffet en Auvergne
Jusqu’au 30 octobre 2022
MARQ - Musée d’art Roger Quilliot
Place Louis-Deteix - 63100 Clermont-Ferrand
Tél : 04 43 76 25 25
Horaires : Du mardi au vendredi, de 10h à 18h - Samedi, dimanche, jours fériés et ponts, de 10h à 13h et de 14h à 18h - Fermé le 1er janvier, le 1er mai, le 1er novembre et le 25 décembre
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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