Cinéma : Sundown, de Michel Franco - Avec Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios, Monica Del Carmen

 

Neil, Alice et ses deux enfants passent de luxueuses vacances dans un complexe hôtelier haut de gamme à Acapulco. Au programme, journées en mer, spa, cocktails sur la plage. Un appel de Londres les informe d’un décès. Ils interrompent immédiatement leur séjour pour rentrer. Une fois à l’aéroport, Neil prétexte un oubli passeport pour laisser Alice. Il promet de prendre le prochain vol. Mais dans le taxi qui le ramène en ville, il demande au chauffeur de le laisser dans n’importe quel hôtel sur le chemin. Contre toute attente, Neil prolonge son séjour dans une pension de famille modeste d’un quartier populaire. Pour mieux savourer la solitude, il coupe le contact avec ses proches, laisse son téléphone au fond d’un tiroir. Se détache de ses obligations quant aux obsèques. Il passe ses journées sur des plages qui ne sont pas fréquentées par les touristes. Boit. Ne fait rien. Il rencontre alors Berenice, jeune femme séduisante.





Septième film du réalisateur mexicain Michel Franco, « Sundown » dresse le portrait d’un sexagénaire frappé d’apathie, qui laisse tomber son cercle familial en plein deuil et tente une rupture avec son milieu, son existence bourgeoise. Tout obnubilé par ses obsessions intérieures, il manifeste une indifférence obstinée aux sentiments des autres. La fuite en avant mélancolique prend rapidement des allures de dérive dépressive. Le suspense psychologique de ce film cruel, désabusé, nourrit une angoisse sourde. L’intrigue, atmosphère poisseuse, déconcerte, cultive les ambiguïtés déstabilisantes. 

Le cadre solaire faussement idyllique offre d’un côté des divertissements destinés aux touristes, formatés et plutôt sinistres tandis que de l’autre la réalité du pays faite de misère et de violence tranche radicalement avec la carte postale. Le récit développe une dimension politique. « Sundown » éclaire une certaine facette des rapports de classe, la précarité des locaux, le luxe des complexes touristiques. La pauvreté endémique et la criminalité sont maintenues artificiellement en périphérie de ce secteur lucratif de l’économie.

Dans son rôle de nihiliste mutique, Tim Roth incarne avec naturel un détachement émotionnel qui confine au malaise. L’égoïsme opaque de Neil procède d’une psychologie complexe difficile à cerner. L’homme coupé de lui-même s’enfonce dans la dépression. En pleine crise existentielle, il trouve paradoxalement une forme de sagesse. Second rôle pivot, Charlotte Gainsbourg est impeccable.



Expérience cinématographique intimiste, film contemplatif, le cinéaste laisse s’épaissir les zones d’ombre, en lançant des fausses pistes. Les errances forment un puzzle énigmatique dont les pièces se mettent lentement en place, éléments d’un récit à tiroirs de précision. La narration qui assume le parti pris du non-dit évolue de ruptures en révélations progressives. Michel Franco fait de la rétention d’informations. Rythmique particulière, fulgurances troublantes, les apparences se fissurent, les suppositions sont détrompées. Les situations prennent un sens radicalement différent. La tragédie n’est pas loin. 

Sundown, de Michel Franco
Avec Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios, Henry Goodman, Monica Del Carmen, Albertine Kotting McMillan, Samuel Bottomley
Sortie le 27 juillet 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.