Remarquable artéfact archéologique, le Pilier des Nautes, plus ancien monument autochtone connu de Paris, date du début du Ier siècle après JC. Les vestiges partiels sont conservés dans le frigidarium des thermes de Cluny, point de départ du parcours chronologique du Musée de Cluny - Musée national du Moyen-Âge. Certains blocs de cet ancien pilier votif sont redécouverts le 16 mars 1711 à l’occasion d’excavations entreprises sous le chœur de la cathédrale Notre Dame. Le creusement d’une crypte, un caveau destiné aux sépultures des archevêques, permet de mettre à jour des éléments du rempart protégeant l’île de la Cité durant la période du Bas-Empire. Au IVème siècle, sous la poussée des raids barbares, Wisigoths, Huns, Vandales, Burgondes etc, la ville se replie sur cet agglomérat peu urbanisé d’anciens îlots et de terres gagnées sur le fleuve. Lors de la construction des fortifications, puisent dans les anciennes constructions, cultes tombés en désuétudes, reliquats de la civilisation gallo-romaine. Les blocs sculptés prélevés sur des monuments antérieurs sont réemployés, ciselés et assimilés à la maçonnerie de sorte à répondre à leur nouvelle fonction. Dans l’état des connaissances actuelles, il est impossible de déterminer l’emplacement originel du Pilier des Nautes. Selon la théorie d’Anne Lombard-Jourdan, historienne spécialiste de la civilisation gauloise, la colonne aurait peut-être appartenu au sanctuaire gaulois du Lendit à proximité de l’actuelle ville de Saint-Denis.
Le bloc de la dédicace à Jupiter, dieu majeur du panthéon gréco-romain, et à l’empereur Tibère dont le règne s’étend de 14 à 37 après JC, date précisément le monument et désigne clairement les commanditaires : « À Tibère César Auguste, à Jupiter, très grand, très bon, les Nautes du territoire des Parisii, aux frais de leur caisse commune ont érigé le monument ». Les inscriptions en latin et en langue gauloise restituée en alphabet latin sont à l’origine rehaussées d’ocre rouge.
Seul le bloc de Jupiter est complet. Les bas-reliefs des dé d’Esus et de la pierre aux huit divinités ont été partiellement effacés lors de leur réemploi. L’un des blocs présente une procession de personnages en armes, probablement les Nautes eux-mêmes dont la puissance est symbolisée par leurs armures, leurs armes, leurs boucliers. Divinités celtes et latines sont identifiées par leurs attributs. Le panthéon gréco-romain - Jupiter, Mars, Vulcain, Mercure, Fortuna, Vénus, les Dioscures Castor et Pollux - est associé aux dieux gaulois - Esus, Smertrios, Tarvos trigaramus, Cernunnos.
Le Pilier des Nautes constitue l’un des très rares témoignages de la mythologie gauloise. En effet, les Celtes interdisaient la représentation des divinités afin de préserver les secrets du culte. Seuls les druides pouvaient transmettre le message divin, jouant une position d’intermédiaires entre les dieux et les hommes. L’édification du Pilier des Nautes, la représentation inédites de dieux gaulois à figure humaine, est contemporaine de l’interdiction des assemblées de druides par le pouvoir romain. L’interprétation actuelle tend vers l’idée d’une assimilation des folklores, d’un syncrétisme imposé grâce à la coopération des élites tels que les Nautes.
Le Pilier des Nautes
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