Cinéma : Elvis, de Baz Luhrmann - Avec Austin Butler, Tom Hanks, Olivia DeJonge

 

Le jeune Elvis grandit à Tupelo, dans le Mississipi, une bourgade pauvre. Avec le gospel des églises pentecôtistes, le garçon découvre la musique et une vocation. Les Presley habitent un quartier où réside une forte communauté africaine-américaine auprès de laquelle, adolescent, il s’initie au blues. Après des débuts hésitants, le Colonel Tom Parker, personnage au passé trouble, agent de chanteurs de country, repère le jeune Elvis, vingt ans, lors de son premier concert public au Hayride en 1955. Le redoutable manager fait tout pour devenir son imprésario exclusif et bientôt lui assure des premiers succès tonitruants. Showman au charisme évident, Elvis Presley connaît une ascension fulgurante. Il devient très rapidement une star planétaire tandis que ses déhanchements suggestifs scandalisent l’Amérique puritaine des années 1950. 






Fresque musicale ébouriffante, objet filmique rutilant, esthétique clinquante assumée, ce biopic haut en couleurs signé Baz Luhrmann redonne vie à l’icône américaine du rock, le King Elvis. Le réalisateur australien de « Roméo + Juliette », « Moulin Rouge », « Gatsby », nous plonge dans un tourbillon « sexe, drogue et rock’n roll » au rythme échevelé, presque clippesque. Depuis l’enfance jusqu’aux funérailles à Graceland, il porte à l’écran la trajectoire fulgurante d’Elvis Presley, une trajectoire ponctuée de nombreuses phases de désaffection et de relances d’une carrière essoufflée par l’avidité et les compromissions. Chronique éclairante des rapports complexes entretenus par le chanteur avec son agent le très controversé Colonel Parker, narrateur ici du récit, ce film fleuve abondamment documenté, foisonne d’anecdotes intimes, de détails biographiques méconnus. 

Baz Luhrmann mise une nouvelle fois sur le grand spectacle, décors et costumes somptueux, reconstitution brillante, numéros musicaux exceptionnels et scènes de concert très réussies. Le long-métrage souligne l’importance qu’a eu la musique afro-américaine sur la création du rockabilly fondateur pour le son d’Elvis. Le réalisateur éclaire l’influence majeure de BB King, Little Richards, Big Mama Thornton avec qui le King fut ami. Le film donne à voir sous les paillettes, la réalité socioculturelle des Etats-Unis des années 1950, le racisme institutionnalisé, la pudibonderie et les bondieuseries. Première icône masculine, au sex appeal assumé, Elvis Presley se fait arrêter à l’issue d’un concert pour indécence. La révolution sexuelle intervient dans les années 1960, la libération des mœurs se prolongent jusqu’aux années 1970.

Révélation de ce long-métrage, Austin Butler incarne le King avec un réalisme troublant, un mimétisme frappant. Il a préparé le rôle durant deux ans, étudiant les archives, vidéo et audio, écoutant en boucle les disques. Il est parvenu à retranscrire la façon de bouger, de s’exprimer, de chanter aussi puisque le comédien interprète lui-même les chansons dans les scènes de concert, pour la période jusqu’aux années 1960. La performance vocale est remarquable. Gestuelle éloquente et voix marquée par l’accent du Sud, énergie et vulnérabilité, Austin Butler livre une prestation impressionnante. Le lien fusionnel d’Elvis Presley avec sa mère, l’importance de sa relation avec son épouse Priscilla Presley montrent une facette très humaine de l’icône. 



Tom Hanks méconnaissable, silhouette massive et prothèses faciale, joue avec conviction le narrateur du récit, le Colonel Tom Parker. Figure centrale de la carrière d’Elvis, personnage hautement controversé, il est à la fois un sale type et un agent visionnaire. Arrivé illégalement aux Etats-Unis, recherché pour meurtre en Hollande, son pays d’origine, il s’invente une identité, forain, directeur de cirque, imprésario de musiciens. Homme aussi brillant qu’implacable il est déterminé à faire de son poulain une star et à gagner beaucoup d’argent grâce à cette réussite, quitte à mettre de côté toute intégrité. Le Colonel Parker n’avait pas le droit de quitter les Etats-Unis, raison pour laquelle Elvis n’a jamais fait de tournée internationale. 

De l’ascension jusqu’au sommet compromise par l’appât du gain, à la chute, Baz Luhrmann raconte en 2h40 et quelques ellipses, quelques raccourcis, la perte des illusions, le cynisme de l’industrie musicale, le come-back inespéré, alors qu’Elvis Presley est déjà bouffi par l’alcool et les médicaments. Il met en scène l’apathie, la détresse, les manipulations, la prison dorée de l’hôtel Intercontinental de Las Vegas. A l’écran, l’euphorie fait place au marasme des derniers jours, la boulimie, la dépression. Et le dénouement final, la crise cardiaque fatale à l’âge de 42 ans en 1977. Un film flamboyant porté par sa part d’ombre.

Elvis, de Baz Luhrmann
Avec Avec Austin Butler, Tom Hanks, Olivia DeJonge, Helen Thomson, Richard Roxburgh, Kelvin Harrison Jr, David Wenham, Alton Mason
Sortie le 22 juin 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.