Cinéma : Seule la terre est éternelle, un documentaire de François Busnel et Adrien Soland

 

Auteur de chefs-d’œuvre tels que « Dalva », « La femme aux lucioles », « Légendes d’automne » dont certains ont été adaptés au cinéma, l’écrivain Jim Harrison, poète des grands espaces américains, s’est éteint le 26 mars 2016 à l’âge de soixante-dix-huit ans. Par sa prose écologiste, féministe, puissant souffle romanesque, et sensibilité des drames intimes, il a prêté sa voix à ceux qui ne sont pas écoutés, les déclassés, la marge. Embrassant la cause des Amérindiens, il n’a eu de cesse de dénoncer le génocide de ce peuple. François Busnel, journaliste et présentateur depuis quinze de l’émission La Grande Librairie sur France 5, et son complice Adrien Soland ont réalisé ensemble des documentaires pour la télévision au sujet de Philip Roth, Gustave Flaubert, Tolkien etc. En 2012, ils se rendent dans le Montana où ils rencontrent une première fois Jim Harrison dans le cadre de l’émission « Les carnets de François Busnel ». Un projet de documentaire plus vaste prend forme. Au cours de l’été 2015, durant trois semaines, ils ont suivi Jim Harrison dans son itinérance à travers des paysages grandioses à la cinégénie manifeste. Le périple à bord du SUV de l’écrivain les a menés du Wyoming à l’Utah jusqu’à l’Arizona. Le deuxième tournage devait se dérouler au printemps 2016. 






Exercice biographique inédit, « Seule la terre est éternelle » se détache des formatages télévisés pour s’inscrire dans une expression formelle alternative. Cette radicalité de ton et de forme, à rebours des hagiographies habituelles, rend justice à la démesure du personnage, héros contemporain qui apparaît à l’écran sans fard, ni coquetterie. Cigarette au coin des lèvres, visage buriné, quelques dents en moins, Jim Harrison apparaît, fatigué, clopinant sur une patte folle mais toujours en mouvement. L’intensité est intacte, à l’instar de l’appétit de vie. Enthousiaste, il pêche à la mouche sur la Yellowstone River, profite de joyeux repas entre amis, livre ses confidences à François Busnel. Sa vie est un roman. 

Jim Harrison dit son engagement pour la nature, son amour pour les animaux, les oiseaux, les chevaux, les ours. Il raconte la littérature salvatrice, sa pratique de l’écriture et les auteurs qui l’ont influencé Arthur Rimbaud, Dostoïevski, Walt Whitman. Il convoque les souvenirs douloureux, la perte de son œil gauche à l’âge de sept ans, le chauffard qui a tué son père et sa sœur dans un accident, quand il avait vingt ans. Il évoque son ami Jack Nicholson, qui, en mécène, l’a aidé à traverser les périodes de vache maigre. Et il parle aussi de son prochain livre, celui qu’il a envie d’écrire « La fille qui aimait les arbres », pour toujours en suspens. 



Avec une grande générosité, Jim Harrison partage, émotion d’une présence, authenticité. A l’écran, sa simplicité, son humour se mêlent à une profonde mélancolie dans des instants de cinéma vérité bouleversants. Testament spirituel d’un hédoniste engagé, derniers mots du détenteur d’une philosophie humaniste, injonction joyeuse à vivre en harmonie avec la nature, « Seule la terre est éternelle » est un documentaire plein d’espoir en une nécessaire reconnexion à l’environnement, un réensauvagement, essence de l’existence.

Seule la terre est éternelle
Un documentaire de François Busnel et Adrien Soland



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.