Théâtre : Dans les forêts de Sibérie, d'après Sylvain Tesson - Mis en scène et interprété par William Mesguich - Théâtre de Poche Montparnasse - Jusqu'au 20 juin 2022

 

Au fin fond de la forêt sibérienne, au cœur de l’hiver, Sylvain Tesson entame une retraite de six mois. Il trouve refuge sur les rives du lac Baïkal dans un ancien abri de géologue, une isba en bois de cèdre rudimentaire. Jusqu’au printemps, le rythme de la nature pour seul repère, il expérimente un isolement absolu, trouvant dans cette réclusion volontaire une forme de liberté. Livres et bouteilles de vodka pour seuls bagages, il vit en compagnie des écrivains et des philosophes, lit, écrit, médite, pêche pour se nourrir, coupe du bois pour se chauffer. Confronté à lui-même, il se réinvente dans la solitude d’un ailleurs hors du monde.






Essai autobiographique signé Sylvain Tesson, « Dans les forêts de Sibérie » a été distingué par le prix Médicis en 2011. Sur les planches du théâtre de Poche Montparnasse, adapté par Charlotte Escamez, incarné par William Mesguich, ce texte méditatif, à la fois aventure intime et démarche existentialiste, retrouve toute la force du récit originel dans une mise en scène intelligente et sensible. La prose lumineuse de Sylvain Tesson nous entraîne sur les chemins initiatiques de l’introspection. 

Journaliste, écrivain-voyageur dans la tradition du XIXème siècle, le « nature writing » de Henry David Thoreau, les écrits de Nicolas Bouvier et Jacques Lacarrière, il dit l’émerveillement du processus contemplatif, l’épopée intime des lointains. Avec poésie et humour, il expérimente la quête de soi, un homme face à lui-même, pour tenter de guérir un sentiment d’inassouvissement. Cet amoureux de la nature, misanthrope assumé, accepte loin des autres, les souffrances de l’isolement. Il surmonte les terribles difficultés matérielles, embrasse ses doutes jusqu’au détachement. Il s’impose la frugalité de l’ermite, une ascèse à rebours des préceptes de notre société matérialiste, dont le confort engourdissant nous priverait du sens de la vie. 

Dans l’intensité de l’isolement, Sylvain Tesson est pris par l’exaltation des sens et de la conscience. En s’extrayant du monde, à la recherche d’une quiétude intérieure et du silence, il trouve un remède aux maux de notre époque, tyrannie de la vitesse, de la surconsommation, omniprésence de la technologie. Par le biais d’une déconnexion radicale, il éprouve dans sa propre chair la liberté du temps disponible retrouvé, la richesse de la solitude et du silence, l’immobilité. 




Au théâtre de Poche Montparnasse, la scénographie de Grégoire Lemoine traduit le sentiment d’isolement à l’intérieur de ce cocon qu’est la cabane.  Les lumières de Richard Arselin et les créations sonores signées Maxime Richelme convoquent les saisons, les couleurs changeantes, la nature qui vibre. A l’extérieur, la tempête fait rage, le vent souffle, la glace craque. Les loups font entendre leur plainte, les mésanges chantent. Au fil du spectacle, l’imaginaire à l’oeuvre ne se prive pas de quelques échappées oniriques, quelques embardées fantastiques.

Interprétation généreuse, belle voie timbrée, incarnation vivante, William Mesguich met son éloquence sensible au service de ce voyage intérieur. A travers les mots de Sylvain, semble se nouer une complicité entre le comédien et l’auteur, frères humains, compagnons de route, âmes vagabondes. La sobriété de la performance invite à une forme de spiritualité, une élévation, un retour aux sources. Propos universel.

Ode à la nature indomptée, sauvage, dangereuse, nourricière et terrible, « Dans les forêts de Sibérie » donne envie d’arpenter le monde, la montagne, la forêt, de construire un nouveau rapport à l’environnement, à la nature.

Tous les lundis à 21h
Jusqu’au 20 juin 2022

Adaptation Charlotte Escamez
Mis en scène et interprété par William Mesguich

Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse - Paris 6
Tél location : 01 45 44 50 21
theatredepoche-montparnasse.com
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.