Metteur en scène de théâtre, cinéaste hétéroclite de Shakespeare à Agatha Christie, de Disney jusqu’aux blockbusters Marvel, Kenneth Branagh associe l’intime et l’universel dans une œuvre autobiographique touchante tournée dans un noir et blanc nostalgique. Il témoigne de la réalité de la fracture religieuse et nationaliste en Irlande, la guerre civile vécue à travers les yeux d’un enfant. Kenneth Branagh décrypte une identité établie sur le trauma fondateur du déracinement et des violences, la ville dévastée, les attentats, l’absence des hommes. Pourtant il ne recontextualise pas, ne s’appesantit pas sur les explications historiques et politiques.
Le film possède une dimension cathartique. Il évoque puissamment l’arrachement au pays de l’enfance, dans une évocation de l’Irlande, monde perdu. Afin de comprendre ce que ses parents ont traversé, Kenneth Branagh se penche sur le décor familier du quotidien, resserre le cadre sur les lieux de l’enfance, la rue, un pub. Il convoque le souvenir idéalisé, la carte postale et le folklore : les chansons de Van Morrison, les bals populaires, les sermons du pasteur le dimanche, les matchs de foot entre gamins dans la rue.
Projet introspectif, tourné à hauteur d’enfant, le point de vue de Buddy, « Belfast » éclaire sous un jour nouveau la filmographie de Kenneth Branagh et ses choix parfois étonnants comme la réalisation de « Thor ». Le réalisateur porte l’accent sur l’importance de la pop culture dans la construction des imaginaires. Buddy lit les comics Marvel. A la télé, il regarde Star Strek, les westerns High Noon, Liberty Valance, au ciné Chitty Chitty Bang Bang. Il assiste en famille devant le poste au premier pas de l’homme sur la lune. Ce retour aux sources donne l’occasion au cinéaste d’évoquer la naissance d’une vocation dans une véritable déclaration d’amour au cinéma.
Kenneth Branagh peuple son film de personnages gouailleurs, attachants. Buddy incarné par Jude Hill, gamin lumineux, traverse cette œuvre dans l’innocence de ses neuf ans. La figure magnifique du père, Jamie Dornan, devient romanesque dans les yeux du petit garçon. Elle contraste avec celle adorée mais bien ancrée dans la réalité de la mère courage, Caitriona Balfe confrontée à un quotidien d’angoisse. La grand-mère Judi Dench tendre, drôle et le grand-père débonnaire Ciarán Hinds sont irrésistibles.
Ce film sensible manque néanmoins d’un peu de fantaisie et de poésie. La forme et le propos paraissent assez convenus. A travers ses souvenir d’une enfance qui bascule dans le chaos de l’Histoire, Kenneth Branagh pousse la réflexion sur l’attachement aux lieux premiers et interroge la résilience des siens.
Belfast, de Kenneth BranaghAvec Jude Hill, Caitriona Balfe, Jamie Dornan, Judi Dench, Ciarán Hinds
Sortie le 2 mars 2022
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