Mai 1942, Jérôme et Alice, résistants de la première heure, organisent
un réseau d’évasion vers la zone libre. A la tête d’une filière d’aide aux personnes
persécutées par le régime de Vichy, ils sont eux-mêmes traqués par la Gestapo. Jérôme
décide de rejoindre Romans dans le Dauphiné, où la villa bourgeoise de son ami
d’enfance Charles Sambrat pourrait servir de refuge, de plaque-tournante du
réseau. Convaincre ce dernier ne sera pas aisé. Directeur d’une usine de
chaussures, Charles poursuit une existence paisible loin des échos du conflit.
A la suite de son expérience traumatisante comme officier lors de la « Drôle de
guerre », il revendique un pacifisme radical. Il estime désormais qu’aucune cause
ne vaut le sacrifice d’une vie. Son refus de voir les exactions de l’Occupant
allemand et de Vichy confine à l’aveuglement volontaire. Hédoniste, il se
laisse aller à la facilité d’une existence sans engagement, à l’insouciance
dictée par son goût du bonheur et des femmes. Son épouse vient de le quitter,
lassée des aventures à répétition de ce séducteur compulsif. Jérôme demande
alors à Alice, sa maîtresse, de séduire Charles. Il espère ainsi le persuader
de s’associer au réseau de résistance. Jérôme n’avait pas prévu que son ami s’éprendrait
follement d’Alice au premier regard et que celle-ci ne serait pas insensible à
l’appétit de vie de ce jouisseur. Charles n’a plus qu’une obsession la
conquérir et la protéger des dangers que lui font courir les missions confiées
par Jérôme.
Le personnage de Charles, de prime abord ambigu, fait preuve
d’une séduction un peu vulgaire. Il est soupçonné de lâcheté autant que d’indifférence.
Sans conviction personnelle, il affiche une désinvolture, une nonchalance
résolue et ne remet jamais en question son comportement. Il refuse de voir la
réalité de de l’Occupation, les violences, les déportations, la barbarie. Il
est frappé d’un dégoût violent de la guerre pour l’avoir connue dans sa chair. Eprouvé
par son absurdité, il a vu tomber ses camarades dans un combat inepte. Pour
lui, l’éveil d’une conscience correspond à celui des sentiments. Dans ses conversations
politiques tendues avec Jérôme le pur, le rebelle qui n’a pourtant aucun talent
pour la vie, le plaisir, rigide frigide, il assume la provocation, pousse jusqu’à
l’ignominie.
Jérôme a aidé le mari d’Alice, brillant chirurgien autrichien dont la vie était en danger car juif, à fuir pour les Etats-Unis. Esseulée, fragile car sujette à la dépression, elle est devenue la maîtresse de Jérôme sans
conviction, plutôt par reconnaissance. Alice inspire une passion absolue à
Charles qui en oublie son égoïsme forcené. Il réveille en elle l’exultation de
la chair alors qu’elle avait oublié son corps. Force d’attraction, possible
rédemption. Crise de conscience tardive, écartelé entre son pacifisme et son
amour pour la belle engagée, Charles devient altruiste pour Alice. Amour
salvateur.
De guerre lasse – Françoise Sagan – Editions Gallimard –
Poche Folio
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