Au XIXème siècle dans la campagne normande, Félicité, orpheline très tôt, est placée comme fille de ferme. Hormis des bribes de catéchisme, elle ne reçoit aucune éducation. Dans un complet dénuement, elle travaille avec dévouement aux rudes labeurs. Lorsqu’elle s’éprend d’un jeune homme rencontré au bal, il la trahit. Elle s’enfuit alors pour Pont-l’Evêque où en tant que domestique, elle entre au service de Mme Aubain, veuve autoritaire, et ses deux jeunes enfants, Paul et Virginie. Courageuse, Félicité trouve de la joie dans les instants du quotidien, la routine confortable des tâches ménagères, le travail avec les animaux. Ce cœur sensible reporte sa tendresse sur les deux enfants de sa patronne ainsi que sur son neveu Victor. Il lui cause un terrible chagrin en s’engageant comme marin. Il meurt de la fièvre jaune à Cuba. Félicité est inconsolable et Mme Aubain ne lui manifeste aucune sympathie.
Oeuvre tardive de Gustave Flaubert, texte ciselé auquel l’adaptation théâtrale signée Isabelle Andréani rend hommage par sa fidélité, « Un cœur simple » est la première nouvelle du recueil « Trois Contes » paru en 1877. La comédienne a choisi la narration à la première personne afin de donner la parole à Félicité. Elle prête ses traits à ce superbe personnage sous la direction de Xavier Lemaître qui signe la mise en scène. A travers le destin modeste d’une fille de la campagne, Flaubert ausculte la société du XIXème siècle. Il éclaire tout particulièrement le gouffre qui sépare les riches des pauvres, les classes aisées des prolétaires. Décryptant la codification des rapports de domination dans les relations humaines, l’auteur interroge également le statut de la femme, le sort réservé à celles d’un milieu modeste sans époux.
En compagnie de Félicité, le spectateur traverse les âges d’une vie obscure mais digne, au service des bourgeois, en périphérie de leur univers. Les petites joies, les deuils, les grands déchirements, le quotidien, elle mène vie solitaire de servitude, portée par une humilité sans borne, une sincérité touchante. Elle ne triche pas. Au fil de l’existence, elle se révèle bien plus intègre, plus humaine que les bourgeoises au cœur sec. Tandis que Félicité, la plus démunie, apparaît comme la bonté même, ceux qui détiennent le pouvoir et l’argent manifestent une indifférence insoutenable au sort des plus modestes. Une existence de dévouement au service des autres. Félicité pourtant ne manifeste aucune frustration. Dévouée tendre, elle conserve longtemps espoir vivace de l’amour. Elle offre toute son affection sans rien attendre en retour. Cette tendresse se reporte sur les enfants, et puis sur le perroquet Loulou, offert à Mme Aubain par un sous-préfet voyageur. Très pieuse, Félicité a développé un mysticisme personnel, haut en couleur, dans lequel l’oiseau naturalisé à sa mort, tient une place centrale.
Généreuse, en empathie avec le personnage, incarnation solaire, elle irradie, tour à tour drôle, touchante et bouleversante. Une voix, une présence remarquable, la comédienne se joue avec facilité des variations de registres. Isabelle Andréani, précision de la parole volubile, maîtrise des silences, force des regards, incarne les mots, leur redonne chair. Félicité n’est pas une innocente, mais bien un « cœur simple ». L’émotion cueille le public qui se laisse submerger par ce moment de grâce. A moins d’être mort à l’intérieur, la rédaction vous conseille de penser à prendre un mouchoir.
Un cœur simpleTous les lundis à 21h
Jusqu’au 28 mars 2022
Avec Isabelle Andréani
Adaptation de la nouvelle de Gustave Flaubert par Isabelle Andréani
Mise en scène Xavier Lemaire
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse - Paris 6
Tél location : 01 45 44 50 21
theatredepoche-montparnasse.com
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