Cinéma : Jane par Charlotte, un documentaire de Charlotte Gainsbourg

 


Durant quatre années, Charlotte Gainsbourg filme Jane Birkin. Elle l’accompagne de Tokyo à New York, de la Bretagne à Paris. Par le prisme de la caméra, objet transitionnel, la réalisatrice pose un regard différent sur sa mère. Le film documentaire initie un rapprochement inédit qui leur permet aller au-delà de la pudeur qu’elles éprouvent vis-à-vis l’une de l’autre. Elles osent se dire ce qu’elles n’avaient jamais encore partagé. Charlotte évoque le sentiment d’avoir été regardé différemment de ses sœurs Kate Barry et Lou Douillon. Jane confie qu’elle était intimidée par sa propre fille. Ensemble, elles entament un dialogue inédit par le biais de ce documentaire alternatif qui se détache du schéma biographique classique pour toucher à l’intimité entre une mère et sa fille dans ce qu’elle a d’universel.








Premier film en tant que réalisatrice de Charlotte Gainsbourg, ce documentaire sensible explore les relations entre une mère et sa fille. La démarche introspective les apaise dans un touchant tête-à-tête révélateur de beaux moments de vérité. Le double portrait, entre conversations et confidences, semble prétexte pour se retrouver. Les histoires d’une famille atypique, hors norme aux talents multiples, aux personnalités contrastées, forment la toile de fond d’un projet cathartique qui traque les non-dits et permet de renouer le fil. Ces vies médiatisées, sous l’œil scrutateur du public, appartiennent désormais à l’imaginaire collectif. 

Pourtant la grâce, la douceur, l’humanité sensible de ces deux femmes, leur sincérité devant l’objectif donne au propos une dimension universelle. La grande tendresse du ton éclaire la force des liens sous la timidité. Déclaration d’amour pudique. Jane se dévoile, se livre sans tricher, générosité, émotions partagées. Elle dit son goût pour la solitude, l’angoisse de la mort, la santé vacillante, la vulnérabilité. Le lien filial permet de poser les questions les plus délicates. Les révélations très privées sont le fruit d’une confiance mutuelle, cadeau au spectateur. Charlotte et Jane parle de la douleur des deuils. Celui de Serge, décédé en 1991. De Kate Barry, photographe demi-sœur de Charlotte, fille du compositeur John Barry disparue à seulement quarante-six ans dans des circonstances tragiques. Puissante mélancolie des fantômes.




En Bretagne, chez Jane, Charlotte saisit la poésie du quotidien. Accumulation compulsive d’objets, décor de vie, passion pour les chiens, paysages marins. La beauté des images enchante le réel. La recherche esthétique sans aucune affèterie tend au fil du long-métrage vers une épure, sobriété radicale. Dans un long plan séquence émouvant, Charlotte filme la première visite depuis près de trente ans de Jane rue de Verneuil où elle a vécu durant quinze années avec Serge. La maison qui est restée figée en 1991, temps suspendu, comme si l’absent allait revenir d’un instant à l’autre, va bientôt ouvrir au public dans le cadre d’un musée dédié à Serge Gainsbourg.

Jane par Charlotte, un documentaire de Charlotte Gainsbourg
Avec Jane Birkin et Charlotte Gainsbourg
Sortie le 12 janvier 2022



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.