Nos Adresses : Tsé Yang, gastronomie de la Chine du Sud, haute tradition culinaire et modernité apaisée - Paris 16



Le Tsé Yang célèbre depuis quarante années la richesse d’un art culinaire patrimonial, la haute gastronomie de la Chine du Sud. Institution à Paris, ce restaurant familial exprime par sa longévité exceptionnelle une histoire de transmission heureuse, de tradition perpétuée et de modernité embrassée. L’établissement au luxe discret, sans ostentation, propose un cadre élégant dont la scénographie intimiste a été revisitée l’été dernier. Aux fourneaux, le chef Xie Nai Cai, qui a fourbi ses armes au sein du groupe Ritz Carlton, explore les grands classiques, dim sum, rouleau de printemps, les incontournables, canard laqué en deux services, travers de porc au cinq parfums. Il déploie sur le fil de l'inspiration les propositions de son cru, reflet d’une personnalité, d’une créativité, canard au thé jasmin, beignets de gambas au wasabi. Le raffinement des arômes et la subtilité des associations illustrent la maîtrise de techniques ancestrales doublée d'un propos contemporain. Les compositions accortes se déclinent entre sophistication et belles évidences, harmonie limpide et précision. Les nobles produits sont travaillés dans le souci d’exalter les qualités gustatives. Les cuissons délicates, vapeur, friture, poêlée, rissolement, soulignent l’intensité des saveurs. Le Tsé Yang, véritable ambassade de la gastronomie chinoise, nous invite au voyage des sens. Expérience hédoniste savoureuse !











Le Tsé Yang s’est refait une beauté au mois de juin dernier. Afin de revamper cette belle institution à l’occasion de son quarantième anniversaire, le décor a été soigneusement repensé. Subtiles modifications, valorisation des éléments originaux, touches design énergiques, il marque la modernité du propos, l’intemporalité d’un art culinaire précieux. Deux fresques originelles en cuivre ressurgissent de l’ombre grâce à un jeu d’éclairage inédit. La lumière entre par des chemins détournés, panneaux de bois aux ornements sculptés vernis en ton sur ton, touches métallisées, élégance des associations chromatiques, bleu profond rehaussé de laque noire, contraste du carmin vibrant et du vert acidulé de tableaux-luminaires. 

Les petits salons privatisables, de six à vingt convives, disposent de panneaux coulissants permettant de moduler les espaces selon la demande de convivialité ou d’intimité. Anniversaire entre amis ou repas d’affaires, dîner en amoureux, ils s’adaptent aux souhaits les plus variés en fonction des événements. Sérénité et plénitude d’une atmosphère feutrée, la scénographie s’inscrit autour des traditionnelles tables rondes surmontées de plateaux tournants. Les éléments décoratifs, recherchés, les compositions florales, la vaisselle traditionnelle, révèlent un sens du détail qui s’étend bien au-delà de la salle.

Le chef Xie Nai Cai exerce son art avec panache. Il associe les classiques d’une gastronomie millénaire à des plats signature, cuisine délurée. Les plats concis font la part belle au produit que le savoir-faire technique sublime. Les compositions allègres, Gambas Madagascar en beignet et wasabi, Hors d’oeuvre poulet, épices d’Orient, précisent la vivacité d’un délié séduisant. L’épure apaisé du filet de loup de mer se décline vapeur au gingembre, ou bien sauté au céleri, ou encore sauté à la sauce haricot noir. Le chef infuse, glane, restitue. Il séduit par la douceur d’un poulet satiné gingembre et ciboule, la délicatesse d’un canard rôti thé de jasmin.








Au Tsé Yang, les plats se partagent entre les convives. Autour des plateaux tournants, chacun picore, savoure, goûte, laisse libre cours à sa curiosité tandis que les petits bols, les sauces et les assiettes se succèdent en une chorégraphie savante. Le service concerné, attentif, affable, dispense d’abondantes recommandations bienveillantes, promesse d’un festin d’exception. Si le cocktail litchi maison déploie une fraîcheur loquace festive, il est plus heureux de se laisser tenter par la cave. Le sommelier Ronan Lievens, passé par de prestigieuses maisons, Michel Rostang en 1993, Le Louis XV en 2005, entre autres, a développé une philosophie du vin, valorisant le travail des vignerons, leur engagement, l’attachement à un terroir, à des valeurs. Il accorde, très inspiré, les beaux flacons et la gastronomie chinoise afin de sublimer l’expérience. 

Pour débuter ce dîner sous les auspices d’un accord mets-vin, un vin blanc de la Loire bio, certifié Demeter et Eurofeuille. Anjou 2019 domaine du Château de Passavant conduit par Olivier Lecomte. Ce vin sec, 100% Chenin, robe jaune d’or aux reflets verts, se révèle souple et fruité. Au nez, il développe des nuances de fleurs blanches qui font place à des arômes légers de fruits blancs, poire, pêche, notes aigues des agrumes, citron yuzu, et rondeur de fruits mûrs, abricots compotés. En bouche, sa grande fraîcheur s’associe à une gourmandise intéressante. Belle acidité, intensité aromatique des fruits à chair blanche. La finale ronde et gourmande se prolonge finement épicée.  

Les dim sum qui font partie des spécialités du chef requièrent précision et technicité savoureuse. L’exploration sensorielle des paniers vapeur débute par la mise en scène et le ravissement du dévoilement dans les volutes brumeuses. Les ravioles crevettes, Hargau, dim sum cantonais à la pâte translucide, bouchée vapeur traditionnelle de Hong-Kong, comblent les palais les plus aguerris par les nuances des goûts préservés, cuisson maîtrisée précise et jeux de texture. Les ravioles de légumes et champignons noirs du même acabit se dévoilent dans les fondants croquants.










Pour la suite du dîner, un vin alternatif s’invite à la table.  Le Crozes Hermitage blanc, Aux Bêtises 2019, domaine Les Bruyères de David Reynaud, se compose de deux cépages typiques de la vallée du Rhône, 60% Marsanne, 40% Roussanne. Dans le respect de la vigne, la quête d’un équilibre vertueux avec la faune et la flore, le Domaine Les Bruyères est entièrement conduit en agriculture biologique, certifié par ECOCERT et biodynamique, certifié Biodyvin. Robe d’or vibrant, ce vin se singularise par sa finesse, une rondeur raffinée, l’opulence racé d’un caractère affirmé. Le nez se déploie sur une note de litchi gourmande, des arômes de fruits mûrs, nuances de pêche et d'abricots, et des accents gourmands de brioche chaude. La bouche est ample, ronde, onctueuse, avec un joli gras. 

La dorade royale vapeur, sauce soja, illustre dans la nacre des chairs la maîtrise impeccable des cuissons. Les intonations, citations pointues du radis, croquant de la carotte, éclairent avec sentiment les subtilités de ce poisson. Les crevettes de Madagascar façon Bei Feng Tong sont frites à la cantonaise. Le vocable « bei feng tong » fait référence aux abris flottants dans la baie de Hong-Kong derrière lesquels les pêcheurs se protégeaient des typhons. Par temps calme, transformés en restaurants de fruits de mer, les produits de la pêche du jour y étaient servis cuisinés sur place. De nos jours, la cuisine Bei Fung Tong évoque le style hérité des pratiques culinaires à bord des bateaux. Les crevettes frites, croûte dorée croustillante, sont sautées à l’ail avec des haricots fermentés et du piment, puis recouvertes de chapelure frite. Ravissement, pure indulgence. En accompagnement, les assiettes de légumes misent sur l’apaisement heureuse, exquis chou de Shanghai infusé au gingembre, surprenant épinard chinois sauté.  








Au dessert, le champagne Charles Heidsieck Brut réserve, multi-millésimé, incarne la quintessence d’un certain style. Harmonie et complexité sont le fruit d’un assemblage de soixante crus, association de pinot noir, pinot meunier et chardonnay à parts égales, parmi lesquels 40% de vins de réserve âgés de dix ans en moyenne. L’élégance du vin reflète le soin apporté au vieillissement dans les crayères de la maison durant trente-six mois. La robe d’un or profond souligne la finesse d’une effervescence régulière. Le nez, complexe et gourmand, révèle de belles notes pâtissières, touches de café torréfié, et l’harmonie de fruits du verger à maturité, accents de mirabelle, abricot, pêche et des nuances de fruits secs date, pistache, amande. La bouche est précise, les arômes fruités, la texture craquante. La finale persistante notes de vanille et de pralin. Ce vin charnu et élégant s’accorde joliment avec la pomme au caramel suprême, beignets de pommes caramélisés et déglacés dans un cérémonial gourmand à table. Joie régressive, saveurs d’enfance. 

Tsé Yang 
25 Avenue Pierre 1er de Serbie - Paris 16
Horaires : Du lundi au vendredi, déjeuner de 12h à 14h15, dîner de 19h à 23h - Samedi 19h à 23h30 - Fermé le dimanche
Tél : 01 47 20 70 22
Menu déjeuner 35 euros, du lundi au vendredi, entrée plat et verre de vin, ou plat, dessert et verre de vin 
Menus à partir de deux personnes, le Pékinois 59 euros, La Mer de Chine 69 euros 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.