Paris : Immeuble rose du 5 rue Lagrange, une curiosité chromatique, un peu de gaieté en ville - Vème

 


L’Immeuble rose du 5 rue Lagrange attire les regards et les curiosités. Cette maison de rapport, façade étroite délicate, quatre étages plus les combles, passerait presque inaperçue tant sa silhouette classique se fond dans le paysage architectural. Néanmoins son rose poudré, couleur de l’enfance, distingue l’édifice par sa belle nuance dans l’air du temps, un pastel lumineux également synonyme d’une modernité assumée. Le Corbusier dans sa palette, la collection de la Polychromie architecturale qui comptait soixante-trois teintes, avait déjà développé un vaste éventail de roses. Le rose poudré surnommé le rose millénial séduit les designers en vogue et les architectes les plus inspirés. D’une grande actualité, il investit espaces publics ou lieux de l’intimité tant il se prête volontiers aux variations. Le rose brave les modes. A rebours de l’attribution genrée des couleurs datant de 1920 - le bleu après avoir été le bleu marial, devient celui des uniformes et du bleu de travail, la couleur des garçons tandis que le rose revient aux filles - il est désormais l’apanage de toute une génération.






Au cœur du Quartier Latin, l’histoire se croise au coin de la rue attablée dans un café. De nombreuses vieilles maisons ont été rasées à l’occasion du percement en 1887 de la rue Lagrange, à travers l’ancien tissu urbain hérité du Moyen-Âge. Le coude curieux de cette voie a d’ailleurs absorbé une partie de la rue Fouare. Lors de son inauguration, en 1890, elle prend le nom du mathématicien Louis Lagrange (1736-1813). Face au square René-Viviani où se trouve le plus vieil arbre de Paris, à deux pas de l’église Saint Julien le Pauvre, l’immeuble rose du 5 rue Lagrange n’a pas de récit échevelé à raconter. Cependant, il est cher au cœur de nombreuses personnes qui firent leurs études à Paris à la fin des années 1960. 

Le rouge - et par extension le rose - signe d’accueil pour les voyageurs au XIXème siècle se développe afin de signaler les pensions de famille. A cette période, l’avancée technologique et les nouvelles connaissances chimiques permettent de produire de façon industrielle les couleurs. Dans les années 1960/1970, l’immeuble du 5 rue Lagrange, alors peint de rouge dans la perpétuation de cette tradition, abrite une pension de jeunes filles tenue par des religieuses marianistes. 







Cette congrégation catholique internationale, établie dans une trentaine de pays, mène une mission d’éveil à la foi et d’éducation religieuse auprès des jeunes et des pauvres. Elle est divisée en quatre branches parmi lesquelles les communautés laïques Marianistes et l’Alliance Mariale qui est un institut séculier féminin Alliance Mariale. La troisième extension, les religieuses Filles de Marie Immaculée désignées communément comme les sœurs marianistes, a été fondée en 1816 par la Vénérable Adèle de Batz de Trenquelléon (1789-1828), sous le nom de l'Institut des Filles de Marie. La quatrième, la Société de Marie (Marianistes), dits Frères Marianistes, est une communauté masculine fondée en 1817 à Bordeaux par le Bienheureux Guillaume Joseph Chaminade (1761-1850). 

Vivre dans un foyer catholique représente pour les étudiants un choix alternatif aux internats classiques ou à la résidence mixte et autres chambres universitaires. De nos jours, il existe soixante-dix pensions catholiques à Paris. Les règles strictes - respect des horaires, couvre-feu strict qui imposent les portes closes jusqu’au lendemain matin, interdiction de recevoir, tenue surveillée - rassurent les parents et offrent un cadre rigoureux. De nombreuses étudiantes de province ou étrangères de passage recherchent encore cette forme de quiétude et de sérieux propices au travail, à la réussite scolaire.

Immeuble rose 
5 rue Lagrange - Paris 5



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.