Cinéma : Pig, de Michael Sarnoski Avec Nicolas Cage et Alex Wolff

 


Rob s’est retiré du monde. Il a trouvé refuge au fin fond d’une forêt de l’Oregon. Ermite, il vit dans une modeste cabane en compagnie d’une truie truffière avec laquelle il récolte les précieux tubercules sauvages. Son seul contact avec la civilisation, Amir, jeune entrepreneur de la gastronomie, lui échange des truffes contre des denrées de première nécessité. Un soir, Rob est violemment agressé chez lui par des hommes masqués. Lorsqu’il reprend ses esprits le lendemain, il réalise que son cochon a été enlevé. L’homme des bois hirsute se résout à rejoindre Portland pour tenter de retrouver l’animal. Sa quête le mène dans les bas-fonds interlopes de la ville tandis que ressurgissent, au gré des rencontres, le souvenir de sa renommée dans le monde de la gastronomie et son mystérieux passé.







« Pig » déconstruit les archétypes du revenge movie, pour aller à l’encontre des clichés du genre. Le réalisateur Michael Sarnoski, signe un premier film audacieux dans la veine d’un cinéma américain indépendant plein de surprises. Ici, la figure classique du vengeur solitaire devient la silhouette mélancolique d’un homme blessé par la vie. Rob a renoncé à la violence du monde moderne mais semble porter par une détermination sans faille inquiétante. La première partie met en place un dispositif d’éléments propres au thriller mais la vendetta violente attendue n’aura pas lieu. Le réalisateur détourne les codes pour embrasser les motifs du drame psychologique intimiste. La brutalité et la rage font place à l’expression tenace d’une tristesse inconsolable. Classiquement, Michael Sarnoski ponctue le récit d’explications éclairantes qui donnent peu à peu relief à son énigmatique misanthrope.

Oeuvre noire, déstabilisante, « Pig » ne renie pas une dimension expérimentale. Le dépouillement narratif de cette fable moderne répond à l’épure visuelle. Un personnage taciturne qui vit dans la nature loin des compromissions urbaines est contraint de rejoindre ce lui qu’il a fui. Le cinéaste donne à voir le contraste entre deux environnements, deux conceptions de l’existence. La forêt représenté la quiétude, l’authenticité, le sens, la liberté. La ville univers dénaturé, artificialité et minéralité, luxe ostentatoire, incarne la vacuité et les faux-semblants. 




« Pig » explore les relations humaines, la complexité des liens familiaux dans une histoire de deuil et de filiation que vient éclairer une poésie brute et l’émotion impromptue. Michael Sarnoski interroge le processus de gentrification qu’il regarde à travers les yeux d’un exilé volontaire. Le décryptage des coulisses du monde de la gastronomie, la révélation du revers de la médaille, la réalité des restaurants à la mode et des palaces, lui offrent l’occasion de dresser un portrait acide de la société contemporaine, le déclin inéluctable, la perte de repères et de valeurs. Il exprime une vision pessimiste du monde moderne.

Le film est marqué par la performance d’acteur de Nicolas Cage d’une sobriété inattendue. Sa prestation minimaliste, en retenue, rappelle ses grandes heures, avant le cinéma d’action et les épouvantables nanars. Mutique, visage fermé, présence massive, il donne corps à un personnage fascinant en décalage avec la société. Rob revendique des valeurs de simplicité, d’authenticité, revendique une proximité avec la nature primaire. La recherche du cochon devient un prétexte. Le long-métrage plonge au cœur de la psyché dans une vague d’affrontements des traumas, véritable combat intérieur. Un film singulier, très étonnant.

Pig, de Michael Sarnoski 
Avec Nicolas Cage et Alex Wolff 
Sortie le 27 octobre 2021



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.