Cinéma : One more Jump, un documentaire d'Emanuele Gerosa

 

A Khan Yunis, au sud de la bande de Gaza, de jeunes Palestiniens s’entraînent à la pratique du Parkour, un sport urbain, qui exige dépassement de soi et rigueur absolue. Dans les ruines de l’aéroport de Gaza, détruit par l’armée israélienne lors de la dernière Intifada au début des années 2000, ils apprivoisent la réalité et redonnent un sens à leur vie Paysages de désolation, absence d’espoir. Jehad, leur mentor, a pris le relais d’Abdallah, le fondateur du Parkour Gaza, qui a quitté le pays pour l’Italie. Il est resté pour prendre soin de son père infirme mais ne peut s’empêcher de ressentir une certaine amertume envers son ami qui avait promis de l’emmener avec lui pour accomplir leurs rêves ensemble. Jehad espère encore obtenir un visa pour l’Europe au grand désespoir de sa mère. Pendant ce temps, Abdallah est confronté à la cruauté de l’exil. L’Occident ne lui réserve que des désillusions. A Florence, il peine à trouver une place que la société lui refuse. Il ne trouve pas de travail pour subvenir à ses besoins. Dans une situation d’extrême précarité, il habite un squat. Le Parkour lui sert d’exutoire à ses frustrations. Désormais il s’entraîne dans une gare désaffectée, au bord de l’Arno. Abdallah voudrait tenter sa chance et se faire remarquer lors des championnats internationaux de Parkour.





Film distingué en 2020 par le Prix Europa du meilleur documentaire, « One more Jump » peint en parallèle deux portraits saisissants, les deux facettes d’une réalité accablante, celle des Palestiniens. Jehad et Abdallah, portés par une même passion, sont marqués par un désespoir semblable. Histoire d’amitié, de transmission, de grandes aspirations et de renoncements intimes, Emanuele Gerosa signe un long-métrage sensible, sans jamais verser dans le pathos lacrymal, qui éclaire de l’intérieur les raisons douloureuses des crises migratoires.

Le réalisateur appréhende avec empathie le quotidien d’une jeunesse au cœur du conflit israélo-palestinien. Il y a ceux qui restent, les rêves brisés, l’espoir tenace, et ceux partis au loin confrontés au déracinement, à la pire désillusion. La pratique sportive est vécue comme une forme de résistance à l’accablement. Le Parkour développé dans les années 1990 en banlieue parisienne, requiert force, vitesse, agilité et discipline mais également réflexion et exigence personnelle. La caméra d’Emanuel Gerosa saisit les performances physiques spectaculaires, entraînements intensifs, ballets acrobatiques fascinants. Il livre des images à la beauté hypnotique.



Le réalisateur capte la pugnacité et le courage de ces jeunes hommes, embrassant des thèmes universels le sacrifice, l’entraide, le dépassement de soi. Le Parkour, art du déplacement, revendique dans l’acquisition d’une liberté de mouvement la quête d’une émancipation psychologique. Evocation puissante et dimension politique du propos, un documentaire pudique et émouvant.

One more Jump, un documentaire d’Emanuele Gerosa
Sortie le 8 septembre 2021



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.