Théâtre : Dorothy, d'après les textes de Dorothy Parker - Ecrit et interprété par Zabou Breitman - Théâtre de la Porte Saint Martin


 

Au théâtre de la Porte Saint Martin, Zabou Breitman rend hommage à Dorothy Parker (1893-1967), l’une des plus célèbres plumes du New Yorker. Poétesse à succès, romancière et scénariste mais également féministe engagée et militante pour l’égalité des droits, elle est surnommée « The Wit », l’esprit, par ses contemporains. Elle devient rapidement une figure incontournable de la scène littéraire et artistique de l’Entre-deux-guerres. Dorothy Parker n’a pas trente ans et elle s’illustre comme critique dramatique pour Vogue et Vanity Fair, chroniqueuse des nuits huppées, pilier du groupe de l’Algonquin Round Table. Elle appartient au clan des écrivains fêtards, ceux dont le nihilisme joyeux cache la violence du désespoir, la fameuse « génération perdue ». Proche de Fitzgerald, d’Hemingway, de Gertrude Stein, Dorothy Parker croque avec panache la bonne société. Ces textes sans concession, son humour grinçant font d’elle la coqueluche des jeunes gens à la mode. Elle égratigne autant qu’elle divertit. Sa vie intime est une tragédie, trois tentatives de suicides, des abus variés. En 1967, elle meurt abandonnée de tous et alcoolique dans une chambre d’hôtel avec pour seule compagnie une bouteille et son chien. Son nom presque oublié, son aura éclipsée. 




Zabou Breitman livre un seule-en-scène sensible et énergique qu’elle débute en racontant l’histoire improbable des cendres de Dorothy Parker. Durant près de cinquante ans, l’urne funéraire de cette dernière est oubliée dans le tiroir d’un bureau, avant d’être redécouverte et passée de main en main. Désormais, elle a trouvé depuis le 22 août 2020 une place au cimetière de Woodlawn dans le Bronx. 

Eclairés par une recontextualisation historique et intime, les textes de Dorothy Parker d’une drôlerie féroce prennent une dimension aussi poignante que dramatique. Zabou Breitman s’est inspirée de cinq nouvelles de l’écrivaine redonner chair à cette fiction inspirée de la réalité. Amoureuses des hommes et de la dive bouteille, femme émancipée avant l’heure, libre mais terriblement seule, Dorothy Parker transparaît en filigrane derrière chacun des personnages. Ils s’étourdissent d’amour et d’alcool, séduisent et perdent la tête. Dorothy Parker désespérément romantique, caustique, éclectique, pose la transgression comme principe de vie. Les saynètes convoquent des instantanés troublants de réalisme, l’ennui d’un dîner mondain, une maîtresse attendant l’appel de son amant. Les situations cocasses, volontiers drolatiques, révèlent pourtant un sentiment diffus d’angoisse existentielle. 




Sur scène, Zabou Breitman gère elle-même la partie technique, change de costume derrière un paravent, danse, s’émeut, rit et nous avec. Performance poétique. Elle restitue par un geste, un accessoire, un accent, l’esprit d’une époque ainsi que la dimension intemporelle et universelle de l’écrivaine, sa folle modernité, avant-gardiste rebelle, dévastée par la vie. A travers la voix de Zabou Breitman, Dorothy Parker raconte le temps de la Prohibition, les soirées dans les bars clandestins, les alcools frelatés, la grippe espagnole, le droit de vote pour les femmes et les suffragettes. Zabou Breitman pose un regard bienveillant sur la femme, l’écrivaine et son oeuvre. Incarnation vibrante.

Dorothy 
D’après les œuvres de Dorothy Parker
Ecrit et interprété par Zabou Breitman
Jusqu’au 24 octobre 2021

Du mercredi au vendredi 20h, samedi 20h30, dimanche 16h
Relâches les 11 septembre et 8 octobre

Théâtre de la Porte Saint Martin 
17 Rue René Boulanger - Paris 10
Tél : 01 42 08 00 32

Création lumière Stéphanie Daniel
Création son Yoann Blanchard
Costumes Zabou Breitman et Bruno Fatalot
Accessoires Amina Rezig
Assistante à la mise en scène Laura Monfort
Chorégraphie Emma Kate Nelson



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.