Cinéma : Benedetta, de Paul Verhoeven - Avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Lambert Wilson, Daphne Patakia


Au début du XVIIème siècle, la jeune Benedetta Carlini destinée dès son enfance à devenir nonne, est conduite au monastère des Théatines à Pescia, en Toscane. Très tôt, elle est créditée de premiers miracles. Revendiquant son mariage spirituel avec le Seigneur, elle a une série de visions exaltées. Au cours d’extases mystiques, elle est marquée des stigmates du Christ, les poignets, les pieds, le flanc et le front. Jésus lui apparaît pour s’entretenir avec elle. Sainte ou manipulatrice, son cas divise la communauté. Tandis que l’abbesse, Sœur Felicita doute, le Nonce voit Benedetta comme un moyen de s’attacher les fidèles. La peste fait rage dans la région et le protestantisme gagne du terrain chez les croyants. La Contre-réforme cherche à faire reculer cette emprise tout en répondant aux aspirations d’un renouveau religieux notamment des Ordres. Adulée par les habitants de la région qui croient en sa sainteté, la religieuse est sur le sur le point d’être béatifiée. Mais son attirance pour Bartolomea, une novice qui partage sa cellule se transforme en passion amoureuse. Benedetta découvre le plaisir de la chair avec la jeune femme très au fait des jeux érotiques.






Le réalisateur néerlandais Paul Verhoeven - « Basic Instinct », « Robocop », « Starship Troopers », « Showgirls » - continue d’explorer la part d’ombre et les tabous par des voies détournées. Sa filmographie au parfum de scandale, connu pour son érotisme sans fard, décrypte des mécanismes de domination notamment psychologique. Le franc-tireur du cinéma mondial a entamé une résurrection artistique francophone avec « Elle » en 2016, Isabelle Huppert en tête d’affiche et déjà Virginie Efira dans un rôle plus modeste. Libre adaptation du livre « Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne » de l’historienne, Judith C. Brown, découvert par l’entremise de son ami scénariste Gerard Soeteman, ce nouveau long-métrage s’attache à une figure de mystique ambiguë dont l’ambivalence ne pouvait que séduire Paul Verhoeven. Ce portrait sulfureux pose un regard pertinent sur l’institution de l’Eglise. Benedetta se défend contre l’oppression de l’institution, la société d’hommes, d’interdits, un univers inique, avec ses propres armes. Elle entre en résistance, s’engage dans une conquête du pouvoir. Sa soif d’émancipation, de liberté et d’indépendance l’amène à assumer ses désirs.

Oeuvre provocatrice et baroque, magnifiée par la splendeur de la reconstitution historique, le film éclaire les thématiques récurrentes de l’oeuvre de Verhoeven, le sexe, la violence, la religion. A travers l’histoire de Benedetta Carlini, religieuse catholique italienne, prise dans des visions mystiques et érotiques, le cinéaste décrypte comment le corps de la femme devient corps politique. Nonne scandaleuse, personnage insaisissable, Verhoeven questionne en permanence la sincérité. Serait-elle cette manipulatrice qui pour gravir les échelons de la hiérarchie religieuse prend la tangente morale ? Ou bien une sainte ? Virginie Efira dans le rôle-titre, solaire, troublante, paradoxale en nonne lesbienne habitée par la foi et tiraillée par ses désirs charnels brise les tabous. Charlotte Rampling, abbesse sceptique vénéneuse, Lambert Wilson dans le rôle du Nonce un arriviste hypocrite et Daphne Patakia, dans celui de la jeune tentatrice sont tous impeccables.  



Le réalisateur n’évite pas quelques poncifs, s’abimant avec une certaine complaisance dans le trouble des clichés érotiques véhiculés par les communautés de femmes. Devant la caméra de Verhoeven, l’expérience hésite entre détresse et jouissance, sadomasochisme, flagellation, imprécations, ambiguïté du désir et du pouvoir. Les scènes de sexe graphiques, sensuelles pas dénuées d’humour, alternent transgression hérétique et envolées lyriques. Aux provocations faciles, le réalisateur mêle le goût du sacrilège et du blasphème, anticlérical, anarchiste.  La narration aux multiples rebondissements, toujours dans un souci du détail historique piquant, n’oublie pas la part de divertissement. Dans ce motif d’une foi hypocrite manipulée à des fins politiques, il est aisé de tracer des parallèles avec notre époque. Mysticisme et imposture, une problématique moderne…

Benedetta, de Paul Verhoeven
Avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Lambert Wilson, Daphne Patakia, Clotilde Courau, Hervé Pierre
Sortie le 9 juillet 2021



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.