Cinéma VOD : Les Bien-aimés, de Christophe Honoré - Disponible sur Arte.TV


 

Au début des années 1960, Madeleine est une jeune vendeuse de souliers aux mœurs légères. Un quiproquo lui donne l’idée de vendre ses charmes afin d’arrondir ses fins de mois. Sur le trottoir, elle fait la connaissance de Jaromil, interne en médecine d’origine tchèque. Il s’éprend de Madeleine et parvient à la convaincre de le suivre à Prague. Ils se marient, ont une petite fille, Véra. L’inconstant Jaromil se montre volage. Bientôt les chars soviétiques envahissent la ville. Madeleine retourne à Paris avec Véra et épouse un garde républicain. Mais elle ne peut résister à son ex-mari lorsqu’il réapparaît. Trente ans plus tard, Véra, prof d’anglais, accompagne son collègue et amant occasionnel, Clément à Londres pour un colloque littéraire. Dans un club de rock, lors d’une soirée très arrosée, elle croise le regard d’Henderson, batteur. Elle a un véritable coup de foudre et rentre avec lui. Troublé, il lui fait part de son homosexualité. Il ne pourra jamais l’aimer comme elle le désire. 





Oeuvre romanesque douce-amère empreinte d’une profonde mélancolie, le long-métrage alterne les ambiances de gravité et de malice, la joie de vivre et le désespoir. Les chansons d’Alex Beaupain, incursions pop et mélodiques dans le récit de ce film chanté, apportent un côté décalé, sexy. Exploration intime du sentiment amoureux sur fond d’histoire en marche, « Les Bien-aimés » résonne du bruit du monde contemporain, saccadé, vibrant, inquiétant, le Printemps de Prague, la révolution sexuelle de 1968, l’épidémie de Sida, le 11 septembre 2001. Christophe Honoré lance des ponts entre les époques et les pays, de Paris à Prague, de Londres à Montréal et jusqu’à Reims.

Sous le regard du cinéaste, la mère et la fille, Madeleine et Véra, interprétées respectivement par Ludivine Sagnier puis Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni, révèlent une pareille insouciance dans les rapports amoureux, et au final des désillusions très semblables. En suivant ces deux éternelles insatisfaites, le réalisateur reprend le motif du triangle amoureux croisant les existences. A travers ces échos d’une époque à l’autre, il questionne la société, l’évolution des mœurs, la filiation et la transmission. Il éclaire les combats de chaque génération pour s’émanciper des carcans 

Christophe Honoré capte dans le geste intime des moments de pur grâce. Il dit la vitalité de la jeunesse, ses excès, son imprudence et sa soif de liberté, l’insolente légèreté des personnages. Le temps qui passe est fatal pour les amants. Les situations cocasses et les scènes poignantes distillent à l’unisson leur chanson délicate, celle de la solitude et de l’amour non partagé.



Christophe Honoré capte dans le geste intime des moments de pur grâce. Il dit la vitalité de la jeunesse, ses excès, son imprudence et sa soif de liberté, l’insolente légèreté des personnages. Le temps qui passe est fatal pour les amants. Les situations cocasses et les scènes poignantes distillent à l’unisson leur chanson délicate, celle de la solitude et de l’amour non partagé.

Coups de théâtre, tragédie amoureuse, valse des hésitations, l’architecture narrative mêle le présent et le passé dans un même terreau fertile. Le premier volet au début des années 1960, bonbon acidulé, reconstitution aux couleurs pastel se fait hommage à Jacques Demy sur le ton d’une certaine insouciance. L’euphorie est communicative. Ludivine Sagnier est particulièrement drôle et piquante dans son rôle de femme affranchie. 

Le volet contemporain met l’accent sur la subtilité de l’interprétation. Pudeur, retenue, Chiara Mastroianni, Véra, entre l’homme qu’elle aime et celui qui l’aime, impeccables Paul Schneider et Louis Garrel, est déboussolée, personnage bouleversant de femme dévastée par ses sentiments. Donnant la réplique à sa propre fille dans des scènes d’une grande sensibilité, Catherine Deneuve nous rappelle en passant, l’air de ne pas y toucher, ce que signifie être une grande actrice. Madeleine hésite encore et toujours entre la fantaisie de son ex et la solidité de son militaire désormais retraité, délicieux Milos Forman et Michel Delpech, le seul à ne pas chanter dans le film. Sur l’air d’une mélancolie joyeuse, « Les Bien-aimés » nous fait sourire et pleurer dans un même mouvement. 

Les Bien-aimés, de Christophe Honoré
Avec Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier, Michel Delpech, Milos Forman, Louis Garrel, Radivoje Bukvic, Paul Schneider
Sortie le 24 août 2011
Disponible sur Arte.TV



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.