Au 185 rue Belliard, en bordure de l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture, l’immeuble Deneux illustre avec panache le renouveau de l’architecture au début du XXème siècle. Son architecte et commanditaire, Henri Deneux (1874-1969), obtient un permis de construire le 10 mars 1910. Le chantier entamé en octobre 1911, s’achève fin 1913. Edifice précurseur, le bâtiment préfigure les préceptes audacieux du mouvement Moderne. Il s’inscrit dans son époque, s’ancre dans un contexte social, culturel, politique. Sa conception reflète les interrogations liées à l’urbanisation des nouveaux quartiers populaires. Les propositions architecturales d’Henri Deneux répondent à la densification des arrondissements parisiens les plus récents. La maison de rapport qu’il imagine s’élève sur une parcelle triangulaire d’à peine 82m2, à l’angle des rues Belliard et des Tennis. Toit-terrasse plat, structure de béton armé apparente, façade remarquable recouverte de grès émaillé des ateliers Gentil et Bourdet, cet immeuble est le fruit d’un programme architectural rigoureux à la fois technique, rationaliste et esthétique.
En 1905, Henri Deneux devient, à la suite d’un concours, architecte des Monuments historiques. Dès 1918, à sa demande auprès de l’administration des Beaux-Arts, il obtient de se consacrer à la restauration des lieux cultuels de Reims endommagés lors des bombardements. Rattaché à la région de la Marne dont il est originaire, il intervient sur la cathédrale de Reims pour laquelle il imagine une nouvelle charpente de béton armé. L’immeuble du 185 rue Belliard est l’un des seuls édifices signés de son nom. L’architecte a réservé les deux derniers étages pour son propre usage et loué les autres appartements.
La structure porteuse de ciment armé et briques enfilées laisse présager des expérimentations à venir. Durant l’entre-deux-guerres, ce nouveau matériau inspirera les architectes. En 1910, Henri Deneux s’inspire du système Cottancin pour mettre à profit ce béton inédit. La façade est constituée de briques armées, remplies de ciment armé. Elle est recouverte d’un revêtement de céramique étanche.
Le programme décoratif complexe est directement intégré à la structure architecturale qu’il vient souligné. Le revêtement de faïence de l’immeuble Deneux est conçu par les ateliers Gentil et Bourdet à Boulogne-Billancourt. Ces céramistes marqué les esprits en signant le décor de l’immeuble de la Société Générale au 29 boulevard Haussmann, construit entre 1905 et 1912, ainsi que celui du cinéma Le Louxor en 1921.
Les carreaux de grès émaillé en relief, camaïeu de bleus, de l’ocre, du brun, du blanc s’inspirent de l’art arabo-musulman. Les combinaisons de motifs géométriques évoquent la nature, frises rigoureuses, fleurs stylisées. Avec le recul, les lignes s’animent, illusion d’optique. Henri Deneux affirme la valeur esthétique du béton par la structure laissée apparente. Au tympan de la porte, une mosaïque inspirée par les représentations médiévales, montre l’architecte au travail, armé de ses outils, le compas et l’équerre.
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