Cinéma VOD : La part des anges, de Ken Loach - Disponible sur Arte.TV



Robbie, passe au tribunal de Glasgow, en comparution immédiate pour une nouvelle affaire de violence. Jeune délinquant récidiviste, joue zébrée d’une cicatrice comme un stigmate, il craint que cette bagarre qu’il n’a pas provoquée le renvoie en prison. Crainte d’autant plus intense que Leonie, sa petite amie qui est enceinte, ne va pas tarder à donner naissance à leur enfant. Le juge fait preuve de clémence et mise sur la réinsertion. Il est condamné à une peine de travaux d’intérêt général en compagnie d’Albert, simplet porté sur la bouteille, Mo, une kleptomane impulsive et Rhino, un gaillard plutôt rustique. Harry, un éducateur au grand cœur, prend sous son aile ces quatre pieds nickelés afin de leur offrir une nouvelle chance. Le regard bienveillant qu’il pose sur Robbie fait bientôt de lui une sorte de figure paternelle de substitution pour le jeune homme. Passionné par l’art du whisky, Harry embarque en secret la petite troupe, dans une sortie culturelle un peu particulière : la visite d’une distillerie. Pour Robbie, cette initiation est une révélation. Lors de la dégustation, il se découvre un don inné, un nez et un palais exceptionnels. Il se met à rêver de ce qu’il pourrait faire de ce talent. La vente historique à la célèbre distillerie Balblair d’un fût rare estimé à plus d’un million de livres fait germer l’idée d’une arnaque très inspirée. 







La part des anges, qui donne son titre au vingt-troisième long-métrage de Ken Loach, est la portion d’alcool évaporée lors du vieillissement en fût. Histoire de seconde chance, de rédemption, le film rassemble tous les éléments du drame social, jeune père au passé violent passé par la case prison, sa copine enceinte, un cruel manque d’horizon, pour détourner le sujet vers la comédie. 

Humaniste, Ken Loach, qui a écrit le scénario avec son complice de toujours, Paul Laverty, suit les pérégrinations cocasses d’une bande de jeunes paumés magnifiques de Glasgow à Edimbourg jusqu’aux Highlands. Cette oeuvre, prix du jury à Cannes en 2012, d’un optimisme rare pour le réalisateur plus habitué à une noirceur ultra-réaliste, associe humour et gravité sur le fil d’un décalage intelligent. Le cinéaste ne renonce pas pour autant à la veine naturaliste, développant son récit sur une toile de fond difficile, inégalités sociales, jeunesse en déshérence, chômage, désœuvrement, violence endémique, drogue et alcool. Portait d’une génération sacrifiée qui ne manque pas de ressource, le film se penche avec empathie sur le sort de ces personnages, touchants, attachants, si jeunes et déjà cabossés par la vie. Ils sont pris dans la spirale de la délinquance jusqu’au moment où quelqu’un leur tend la main.




A son habitude, Ken Loach a fait appel à des comédiens non professionnels, de vraies gueules dont la justesse, la fraîcheur et la crédibilité crèvent l’écran. Dans cette histoire d’amitié et de partage, le talent des acteurs se traduit par leur spontanéité et leur sincérité. Détails cocasses, comique de situation, burlesque mâtiné d’absurde, la comédie trouve sa pleine expression dans des dialogues savoureux, répliques piquantes, joutes verbales cinglantes. L’engagement politique du réalisateur s’y fait moins tonitruant mais tout aussi efficace dans la dénonciation de la situation sociale. 

La part des anges, de Ken Loach
Avec Roger Allam, John Henshaw, William Ruane, Paul Brannigan, Gary Maitland
Sortie le 27 juin 2012
Disponible sur Arte.TV



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.