Série : Lupin, dans l'ombre d'Arsène - Disponible sur Netflix depuis le 8 janvier 2021



Dans les années 1990, Assane Diop, orphelin de mère, est élevé par son père Babakar, qui lui transmet le goût de la lecture et une véritable passion pour l’oeuvre de Maurice Leblanc. Babakar qui a quitté son Sénégal natal dans l’espoir d’offrir un avenir meilleur à son fils, travaille comme chauffeur de maître pour les Pellegrini. Le patriarche, Hubert Pellegrini est un homme d’affaires douteux, au caractère ombrageux et au sens moral des plus limités. Lorsqu’un collier de diamants ayant appartenu à Marie-Antoinette disparaît du coffre familial, il accuse tout de suite son malheureux chauffeur. Déshonoré, Babakar se suicide en prison. De nos jours, une grande vente aux enchères au profit d’une fondation caritative dirigée par la fille Pellegrini est annoncée au Louvre. Le collier de la Reine, celui même qui avait disparu vingt-cinq ans plus tôt, sera la pièce maîtresse de l’évènement. Hubert Pellegrini aurait couru le monde pour tenter de rassembler les différents éléments du collier soi-disant entièrement démantelé à la suite du vol pour être plus facilement revendu. Assane Diop s’est fait embaucher comme agent d’entretien au musée. Il a bien l’intention de monter un coup spectaculaire pour venger son père.

La nouvelle création originale française de Netflix est l’évènement de la rentrée de janvier. Les cinq premiers épisodes de la première saison disponibles depuis le 8 font d’ores et déjà un carton d’audience. Cette histoire de vengeance fait un pas de côté vis-à-vis de l’oeuvre originale afin d’inventer une version contemporaine du mythe. La légende d’Arsène Lupin a été très largement diffusée à travers diverses productions telles que la série des années 1970, le récent long-métrage de Jean-Paul Salomé avec Romain Duris voué aux gémonies par la critique, ou encore l’anime japonais au succès mondial. Netflix évite l’écueil de l’adaptation littérale. Le gentleman cambrioleur de la Belle Epoque accède aux temps modernes grâce à une astuce de scénario plutôt bien vue. Le héros est un fervent lecteur de Maurice Leblanc. Inconditionnel des aventures d’Arsène Lupin dans lequel il voit un modèle, d’ingéniosité et d’honneur, Assane Diop se veut l’héritier spirituel du gentleman cambrioleur. Mais il a avant tout soif de justice sociale. Il cherche à laver l’honneur de son père et lever le voile sur les agissements des vrais méchants, tout en faisant la nique à la police. Omar Sy lui prête ses traits et son charisme pour une performance très convaincante.

Le matériau originel a été travaillé par le Britannique George Klay scénariste et showrunner (« Criminal », « Stag », « Killling Eve ») et le Français François Uzan (« Family business », « France KBek »). Le tandem a réinterprété les codes afin de donner à ces nouvelles péripéties une dimension contemporaine. Avec leur déclinaison moderne de pans entiers prélevés directement dans les romans, ils assument les références directes mais dépoussière le mythe en prenant des libertés avec l’original. La relecture se ponctue de clins d’œil savoureux. Le talent de transformiste du héros directement inspiré par Arsène Lupin fait partie du charme particulier de la série. Illusionniste inspiré, le héros se volatilise toujours au bon moment. Il maîtrise l’art de tromper son monde et multiplie les tours de passe-passe. Il y a une certaine jubilation au moment de la révélation malgré la forme classique des explications a posteriori.




La série possède beaucoup de charme mais également pléthore de défauts. Grosse production, les moyens financiers mis à la dispostion des réalisateurs Louis Leterrier, Marcela Said et Hugo Gélin, donnent naissance à des scènes d’action aussi spectaculaire qu’impeccable dans des décors prestigieux. La rythmique imparable confère un aspect alerte à la narration. Les grosses ficelles du scénario manquent pourtant souvent de finesse et les clichés se multiplient. Certains personnages sont plus réussis que d’autres, les policiers par exemple manquent cruellement de fond malgré des interprètes impeccables. La trame paraît bien attendue, le propos convenu, les bons sentiments trop appuyés. 

En revanche, la série aborde des préoccupations sociales intéressantes, inégalités, racisme ordinaire, discriminations, invisibilisation des afro-descendants, des métiers de l’ombre comme les agents d’entretien, les livreurs à vélo. Cet Arsène Lupin moderne n’est pas vraiment transgressif. Le divertissement assume pleinement sa dimension grand public et ne cherche pas à en dévier. Et c’est très efficace. Ne boudons pas notre plaisir.

Lupin dans l’ombre d’Arsène, de George Kay
Avec Omar Sy, Ludivine Sagnier, Clotilde Hesme, Shirine Boutella, Nicole Garcia, Soufiane Guerrab, Antoine Gouy, Fargass Assandé
Disponible sur Netflix depuis le 8 janvier 2021



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.