Ailleurs : Domaine Pommery à Reims, ses crayères gallo-romaines classées, son art du champagne, ses mécénats et sa vocation artistique




Le Domaine Pommery, propriété au sud-est de Reims sur les Hauts de la butte Saint-Niçaise, a été édifié en tant qu’ambassadeur du prestige de la marque. Donjons, crénelages, tourelles, briques et enduit bleu, les édifices empruntent au style Tudor les éléments les plus pittoresques. Le domaine construit à partir de 1868, à l’initiative de Louise Pommery (1819-1890) l’une des grandes figures féminines de la Champagne, offre le spectacle extravagant d’un château élisabéthain au cœur du pays rémois. La veuve qui donna à la petite maison de champagne transmise par son époux sa dimension internationale fut une femme d’affaires visionnaire, une avant-gardiste dotée d’un instinct très sûr pour l’innovation doublé d’un sens aigu de la communication. Près de cent-cinquante ans plus tard, l’ensemble architectural chamarré frappe toujours d’étonnement les visiteurs. Inoubliable, il agit en effet d’annonce, attire l’attention, pique la curiosité. Et la clientèle britannique, essentielle en son temps au développement de la marque, s’y sent comme à la maison. Au-delà de sa fonction de représentation, le domaine Pommery assume ses qualités de lieu vivant, pôle d’administration, de production, centre de stockage, de distribution et de recherche. Etabli au cœur des Coteaux, Maison et Caves de Champagne inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, il incarne également la dimension patrimoniale de la marque. Les visites guidées à travers les sites iconiques, des spectaculaires cuveries aux splendides crayères gallo-romaines devenues les caves de la maison, proposent de mieux appréhender l’histoire et la philosophie de l’un des grands noms de la région. Paul-François Vranken, PDG du groupe Vranken-Pommery-Monopole propriétaire depuis 2002 de la Maison Pommery, et son épouse, Nathalie Vranken, directrice marketing et responsable du mécénat ont souhaité célébrer cette image de modernité, l’esprit d’initiative ancré dans l’héritage de Louise Pommery. Ils poursuivent l’oeuvre de philanthropie et de mécénat artistique initiée par la célèbre veuve. Chaque année depuis 2003, les caves sont transfigurés le temps d'une monumentale exposition d'art contemporain, Expérience Pommery. Retrouvez tous les détails de la Quinzième édition ici.











L’histoire de la Maison de Champagne Pommery est liée à la destinée d’une femme exceptionnelle. Jeanne Alexandrine Louise Mélin a vingt ans lorsqu’elle épouse en 1839 Alexandre Louis Pommery (1811-1858), négociant en laine. Le couple a deux enfants, Louis en 1847 et Louise en 1851. En 1856, Alexandre Louis Pommery se reconvertit dans le commerce du vin et s’associe à Narcisse Greno dans une modeste maison de Champagne, qui prend le nom de Pommery & Greno. Elle produit alors moins de 100 000 bouteilles par an. Alexandre Louis Pommery décède précocement en 1858. Prenant pour modèle Barbe-Nicole Clicquot-Ponsardin, la Veuve Pommery reprend les rênes de la société. Soutenue dans son action, tout d’abord par l’associé originel de son mari, Narcisse Greno, puis par Henry Vasnier gestionnaire inspiré et Adolphe Hubinet agent commercial sur les marchés internationaux recruté en 1861, elle démontre un sens aigu des affaires. Grâce à l’inventivité de Louise Pommery, la maison s’impose comme l’une des plus importantes de Champagne, portant sous son égide la production à deux millions de bouteilles par an. A la réussite commerciale de la Maison Pommery s'ajoutent une vision unique du vin et une saine ambition de rivaliser avec les plus grands noms. Au cours de la seconde moitié du XIXème, Pommery s’établit comme l’un des acteurs majeurs du négoce de champagne puis parvient à la consécration grâce à ses audaces innovantes telles que le développement des vins extra-secs.

Louise Pommery accède à la tête de cette maison au cours d'une période charnière pour le commerce du champagne. De 1860 à 1870, elle choisit de mener une politique d'expansion tournée vers l’international. En 1866, la maison est rebaptisée Veuve Pommery & Fils lorsque Louis Pommery fils rejoint sa mère dans la gestion des affaires. L’entregent d’Hubinet fait progresser les vins Pommery sur le marché anglais notamment en adaptant le champagne au goût de cette clientèle qui marque une préférence pour les élixirs extra-secs. En 1874, la Maison Pommery présente le premier champagne Brut de l’histoire. L’engouement est immédiat. La demande explose tandis que la marque établit une réputation mondiale grâce aux Britanniques.

La Maison Pommery s’affirme et déploie une nouvelle emprise sur le commerce du vin de Champagne. A la fois référence et précurseur de tendances, elle assoit son statut d’autorité tout en participant à la diffusion d’un savoir-faire, celui des vins extra-secs. Son réseau d’agences à l’international s’étend. Les perspectives s’ouvrent tandis que la réputation se pérennise. Le développement des affaires soutient le capital acquis. Louise Pommery fait l’acquisition en 1868 d’un domaine au cœur de Reims. La marque a besoin d’un écrin prestigieux qui séduise et fasse rêver, un véritable château. Le chantier débute en 1869. Il faudra près de huit ans de travaux afin d’achever une version liminaire du domaine qui évoluera jusqu’en 1910. Afin de flatter le marché anglo-saxon, de séduire l’importante clientèle britannique, Louise Pommery choisit de faire construire les premiers édifices dans un style élisabéthain typique de la campagne anglaise mais fort surprenant sur les hauteurs de la butte Saint-Niçaise. Le premier cellier, le cellier Carnot qui désormais centralise l’accueil des visiteurs, se veut la réplique pittoresque d’un châtelet Tudor. Génie de la communication.












Au fil des ans, le domaine Pommery poursuit son développement. Aujourd’hui, il s’étend sur 65 hectares dont 25 hectares de vignoble exceptionnel. De nos jours, Le Clos Pompadour, planté en 70% Chardonnay, 25% Pinot Noir, 5% Pinot Meunier produit des raisins qui entrent dans la conception des grands flacons de la maison. Les années exceptionnelles, Pommery élabore une cuvée Clos Pompadour en édition limitée, comme le millésime 2003 cantonné à 3000 magnums. 

La cuverie, tonnellerie et rincerie du temps de Louise Pommery, a conservé la structure métallique originelle de style Eiffel et sa belle lumière zénithale naturelle. Elle abrite 180 cuves de fermentation de 20 000 à 50 000 litres ainsi que 6 cuves d’assemblage qui peuvent contenir l’équivalent de 500 000 bouteilles. Au cœur de ces installations, les techniciens de la maison poursuivent leur recherche afin d’améliorer sans cesse la qualité du vin mais également de faire face aux grands enjeux écologiques. Exemple singulier des changements de l’époque, le réchauffement climatique rend désormais la chaptalisation anecdotique. Les équipes Pommery expérimentent des solutions durables avancées dans un souci de développer des productions respectueuses de l’environnement, un travail de la vigne en harmonie avec la nature et une protection efficace des vignobles contre les nuisibles et les maladies.

Les terrains du domaine acquis par Louise Pommery en 1868 possèdent une caractéristique dont la veuve perspicace va tirer profit. Les sous-sols sont creusés de vastes crayères d’époque gallo-romaine. Exploitées jusqu’au Moyen-Âge, elles ont fourni les matériaux nécessaires à la construction de la ville. Désormais désertées, retournées à leur nuit calme, leur température et leur taux d’humidité constant vont s’avérer de précieux atout pour l’élevage du vin. Louise Pommery imagine de transformer ces cents-vingt crayères en caves en les raccordant entre elles. Dix-huit kilomètres de galeries souterraines sont ainsi dégagés de cette vaste entreprise. 












Après des délais liés au conflit contre la Prusse et à la chute du Second Empire, l’inauguration des nouvelles caves intervient en 1878, trois ans après le mariage de Louise, la fille de la veuve, avec Guy de Polignac, l’un des acteurs essentiels du mécénat artistique de la maison, devenu depuis véritable sacerdoce. Le sculpteur Gustave Navlet (1832-1915) est mandaté afin de créer des bas-reliefs aux thèmes bachiques. De 1882 à 1884,  travaille dans les crayères à la bougie directement sur les parois des galeries  L’oeuvre la plus grande mesure quinze mètres de long sur six mètres de haut. Lors des visites, les scènes immenses se révèlent dans un clair-obscur atmosphérique très pictural. 

La première réalisation finalisée en 1882, « Les Maraudeurs » se découvre juste en bas de l'escalier monumental. Les motifs s’inscrivent dans la lignée des angelots joueurs de la Renaissance italienne, les putti. « La Fête de Bacchus », (1883) déploie une allégorie des cinq sens, inspirée par l’antiquité tandis que la représentation délicate de la dégustation du champagne au XVIIIème siècle « Un souper sous la Régence » (1883) fait un bond dans le temps. Le « Silène » de 1884 complète un riche panorama. Par le biais de ces œuvres qui deviennent l’un des moments phare de la visite - elles auraient coûté la vue à leur auteur - et attirent les esthètes du monde entier, la Maison Pommery tisse un lien entre la création artistique et l’art de la vinification. En 1986 à l’occasion du lancement de la cuvée de prestige Louise, un nouveau bas-relief a été commandé au sculpteur Jean Barat en hommage à la Veuve Pommery. 

La tradition du mécénat artistique de la Maison Pommery s’établit notamment à travers le don du célèbre tableau « Les Glaneuses » de Jean-François Millet à l’Etat en 1888. Puis par l’achat du Grand Foudre signé Emile Gallé, réalisé en 1903 en chêne de Hongrie à l’occasion de l’Exposition Universelle de Saint-Louis aux Etats-Unis. A la fois outil de production et oeuvre d’art, il contient 75 000 litres l’équivalent de 100 000 bouteilles et demeurera en usage jusqu’en 1973. 











Au décès de Louise Pommery en 1890, Louis, son fils, Henry Vasnier, le fidèle gestionnaire, Louise, sa fille, marquise de Polignac, poursuivent son oeuvre. En 1907, lorsque Louis et Henry disparaissent, Melchior de Polignac, vingt-deux ans, petit-fils de la célèbre veuve, reprend le flambeau. La Maison Pommery demeure dans la famille jusqu’en 1979 puis est vendue au groupe BSN. Elle intègre le groupe LVMH en 1991. Paul-François Vranken la rachète en 2002 et rebaptise son groupe dans la foulée Vranken-Pommery-Monopole. Né à Liège en Belgique en 1947, cet entrepreneur dans l'âme s’installe en Champagne en 1976, après des études de droit. A vingt-huit ans, il a de grandes ambitions. Il pose les premières pierres de son empire avec les maisons Monnier et Charles Laffitte pour lesquelles il ouvre de nouveaux débouchés dans la grande distribution. Il créé mêle la cuvée spéciale Demoiselle. Ses succès lui permettent de reprendre Heidsieck & Co Monopole puis Pommery en 2002. Cette dernière acquisition facilite l’introduction du groupe Vranken-Pommery-Monopole en Bourse. 

A trente mètres sous terre, la visite des crayères s’initie par la descente de l’escalier monumental, cent-seize marches creusées dans la pierre. Ce monde souterrain, dédale mystérieux, dévoile sa magie particulière, sortilèges de contes. L'alchimie y prend la voie du vin, patient ouvrage du temps. Hôpital de campagne lors de la Première Guerre Mondiale, refuge des populations civiles lors des bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, les caves racontent une histoire de pénombre depuis l’antiquité. Désormais les galeries portent le nom des villes du monde entier où sont commercialisés les champagnes Pommery. Ici dorment près de vingt-cinq millions de bouteilles parmi lesquelles les plus anciennes cuvées du Domaine conservées dans l’oenothèque. La visite s’effectue guidée ou libre grâce à une application Experience Pommery disponible sur l’App Store. 

Domaine Pommery
5 place Général Gouraud - 51100 Reims
Tél : 03 26 61 62 56 (réservations obligatoires)




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


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