Dans une station balnéaire assoupie du nord de l’Angleterre, Annie, conservatrice du modeste musée local, s’interroge sur sa relation avec Duncan. Prof de cinéma à l’université, il ne veut pas d’enfant et voue un culte obsessionnel à l’idole de son adolescence, le musicien Tucker Crowe. Il anime très activement une mauvaise chaîne youtube au sujet du chanteur bien que celui-ci soit retombé dans l’oubli depuis les années 90. Annie vit de plus en plus mal cette passion monomaniaque qu’elle ne partage pas. Lorsque Duncan reçoit une démo acoustique de l’unique album de l’artiste, elle poste une critique très mauvaise sur le forum de fan hardcore dont Duncan est l’un des principaux animateurs. Elle reçoit alors un mail d’approbation signé par Tucker Crowe lui-même qui la remercie de sa lucidité. Il n’a plus fait de musique depuis vingt ans et vit en Pennsylvanie dans le garage de son ex. Il tente tant bien que mal de jouer son rôle de père auprès de son cinquième enfant après être totalement passé à côté des quatre autres dont il ne s’est pas occupé. Annie et Tucker entament une correspondance suivie.
Au cœur du dispositif narratif, la musique tient un rôle primordial dans le roman originel, plus édulcoré dans la version filmée. Le titre « Juliet, Naked » fait référence à « Let it be, Naked » la deuxième version de l’album des Beatles, dépouillée des arrangements de Phil Spector, publiée à l’initiative de Paul McCartney. Il explore les relations complexes entre les artistes et leurs fans les plus assidus, les mirages de la célébrité.
Production américaine et charme britannique, le long métrage réserve quelques moments cocasses, des scènes savoureuses pleines de drôlerie. Malgré la mélancolie prégnante dans laquelle baigne cette histoire de reconstruction personnelle, de seconde chance, de maturité parvient à trouver un équilibre entre légèreté et gravité. Le film évite l’écueil de la mièvrerie en détachant les personnages de leur seul rôle d’objet amoureux pour leur donner des défis personnels plus grands à surmonter.
« Juliet, Naked » parvient à rendre attachants des personnages qui du fait de leurs choix douteux ne sont pas vraiment sympathiques sur le papier. Le long métrage porté par un trio délicieux d’acteurs trouve dans leurs interprétations nuancées. Rose Byrne est lumineuse dans son rôle de femme en pleine remise en question de sa vie, de son couple, de ses désirs. Prêtant ses traits, à Tucker Crowe, ancien irresponsable alcoolique en quête de rédemption, Ethan Hawke s’avère très convaincant en musicien sur le retour. Ressort comique du film dans ses excès et veuleries, Chris O’Dowd incarne un Duncan horripilant, tout à fait tête-à-claque. Divertissement sympathique, classique dans sa réalisation, le film malgré ses accents doux-amers, manquerait peut-être de relief sans leurs interventions. Humain et tendre.
Juliet, Naked de Jesse Peretz
Avec Rose Byrne, Ethan Hawke, Chris O’Dowd, Denis Cough
En exclusivité sur Amazon Prime Video
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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