Paris : Monument à François Arago, l'hommage du plasticien Wim Delvoye à l'homme de science - XIVème


Oeuvre du plasticien belge Wim Delvoye, le bronze hommage à François Arago (1786-1853), scientifique et politicien, garde l’entrée du Jardin de l’Observatoire, institution dont il a été directeur de 1843 jusqu’à sa mort. Cette statue inaugurée en 2017, reconnaissance tardive envers un grand homme, remplace celle qui se trouvait place de l’Ile-de-Sein, fondu en 1942 durant l’Occupation. Soixante-quinze ans après la destruction de l'oeuvre signée Alexandre Oliva datant de 1894, l’association ARS Arago fondée au sein de l’Ecole Polytechnique a obtenu la réalisation d’un nouveau monument. Le projet de Wim Delvoye s’inspire du bronze originel. Il a travaillé à partir de dessins préliminaires du portrait réaliste d’Arago, esquisses très figuratives réalisées par Oliva au XIXème siècle et conservées au Louvre. Le plasticien belge a imaginé une silhouette déformée par une torsion hélicoïdale, motif emblématique de son travail. En utilisant un programme informatique 3D, il a obtenu une image plus abstraite du scientifique, image qui dans sa conception même fait référence aux lois mathématiques qui régissent la nature et la physique, sujet d’étude principal d’Arago.










L’oeuvre de Wim Delvoye mêle la tradition classique, la culture savante à l’imagerie populaire afin d’exprimer les contradictions et les mutations de notre société contemporaine. Artiste iconoclaste, provocateur inspiré, il manie volontiers l’humour noir et le second degré au fil d’une démarche à la fois formelle et conceptuelle qui rend compte de l’évolution des environnements. Delvoye s’attache à questionner la dimension décorative, ornementale de la réalisation plastique. Il cherche à bouleverser la notion d’esthétique en rompant la cohérence entre le motif et la fonction. Le bronze exécuté en hommage à François Arago, haut de 2,50 mètres, renvoie à ces interrogations et à l’idée de haute technicité d’une contemporanéité vibrante. La forme s’enroule sur elle-même, ondulation en trompe-l’œil qui n’est pas sans évoquer les travaux d’Arago dans le domaine de l’optique. Le mouvement circulaire de la torsion emporte la matière même de la statue.

Physicien, mathématicien, astronome, François Arago, universaliste convaincu, a été l’un des pionniers de la vulgarisation des sciences à destination d’un public élargi. Il intègre l’Observatoire de Paris dès 1803. Trois ans plus tard, il est envoyé en mission en Espagne, à Majorque avec Jean-Baptiste Biot pour poursuivre le relevé du méridien de Paris en s’appuyant sur des opérations de triangulation. Pris dans la guerre d'Espagne, fait prisonnier à de multiples reprises, il parvient à s’échapper chaque fois. Arago rentre à Paris en héros en 1809 ce qui lui permet d’être élu à l’Académie des sciences à seulement vingt-trois ans. Il démontre ses qualités scientifiques dans un ensemble de domaines et s’illustre particulièrement dans ceux de la physique, l’océanographie, l’astronomie et la géodésie. Curieux des avancées technologiques, il démontre un intérêt pour les grandes innovations techniques de son temps, la photographie, le télégraphe, les premiers moteurs. 

Orateur et pédagogue né, François Arago dispense durant trente-trois ans des cours « d’astronomie populaire » ouverts à tous, initiateur d’une forme de vulgarisation des sciences à destination d’un public élargi. Au sein de l’Observatoire de Paris, il gravit les échelons et devient directeur en 1843. Dans le même temps, de 1809 à 1830, il enseigne l’économie mathématique, les probabilités et la démographie à l’Ecole Polytechnique où il laisse une empreinte profonde. Poussé par une vision humaniste, ce Républicain s’investit dans la politique à partir de 1830. Président de la Commission exécutive à la suite de la révolution de 1848, il contribue à l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. Arago refuse de prêter le serment de fidélité exigé par le prince-président Louis Napoléon Bonaparte en 1851. Il meurt le 2 octobre 1853.










En 1893, l’Amiral Mouchez, alors directeur de l’Observatoire lance une souscription publique afin de financer un monument lui rendant hommage. La statue, oeuvre du sculpteur Alexandre Oliva, sortie des ateliers du fondeur Antoine Durenne est inaugurée place de l’Ile-de-Sein en 1894, en présence de Raymond Poincaré alors ministre de l’Instruction publique. Elle sera abattue et fondue, à l’instar de nombreux bronzes parisiens, par l’Occupant nazi en 1942.

L’association ARS Arago créée en 2014 au cœur de l’Ecole Polytechnique s’est engagée afin qu’un nouveau monument soit réalisé. Célébration de la vocation universaliste d’Arago, de son profond humanisme incarné par sa volonté de partage des savoirs, le monument a fait l’objet d’un appel à projet auquel ont répondu de nombreux artistes : Jean Anguera, Elisabeth Cibot, Sabine de Courtilles, Pierre-Ivan Didry, Daniel Druet, Marc-André de Figueres, Xavier de Fraissinette, Gloria Friedmann, Claude Genzling, Cheng-Dong Guo, Sébastien Langloÿs et Jean Suzanne. Les diverses propositions ont été présentées en 2016 sous la forme de maquettes à l’occasion d’une exposition suivie d’une vente aux enchères dans les salons Artcurial. Un jury indépendant, composé de personnalités du monde des arts et des sciences, a retenu le travail de Wim Delvoye 

Néanmoins, la Ville de Paris a refusé que l’oeuvre soit installée sur l’ancien socle situé place de l’Ile-de-Sein du fait de la présence de l’un des médaillons de Jan Dibbets. Le socle sur le boulevard restera donc vide. Le bronze de Delvoye a trouvé place de l’autre côté du boulevard, à l’entrée du Jardin de l’Observatoire où il accueille désormais les visiteurs. 

Monument hommage à François Arago par Wim Delvoye
Jardin de l’Observatoire
98 boulevard Arago - Paris 14



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

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