Energie vitale, intensité de la palette chromatique, abstraction jubilatoire, l’exposition « Infinity » à la galerie Rabouan Moussion présente une sélection d’œuvres récentes de JonOne, figure majeure de la scène graffiti internationale et représentant inspiré de l’expressionnisme abstrait contemporain. En passant de la rue à l’atelier, du mur à la toile, JonOne, aka John Perello, a opté pour une remise en question de sa pratique artistique. Désir de pérennité, de patience et d’exploration prolongée d’un même motif, l’artiste a su se réinventer à l’aune d’une hybridation des formules plastiques. Il embrasse désormais la radicalité d’un métissage mêlant le vocabulaire formel issu du graffiti, la particularité du tag à l’expressionnisme abstrait hérité de l’abstract painting américain des années 1950. A l’intersection des genres, les lettrages de la rue deviennent calligraphie puis lentement mutent encore. La signature emblématique de JonOne s’étire, se répète à l’infini et s’efface pour n’être plus qu’un geste. De cette quête d’abstraction surgissent les paysages fluides de la psyché humaine. L’émotion jaillit en gerbe de couleurs, effets d’optique, traînées de matière, éclaboussures. Les amalgames de matière sont creusés jusqu’à moduler la lumière par des effets de texture, traduction picturale vibrante des sensations.
JonOne, John Perello, artiste d’origine dominicaine, né dans le quartier de Harlem à New York en 1963, a été l’un des précurseurs du mouvement graffiti au début des années 1980. Autodidacte, il débute dans la rue à l’âge de dix-sept ans en compagnie de son ami d’enfance, White man. Sur les murs, les rames de métro, il applique sa signature, Jon 156. En 1984, il fonde avec son crew le 156 All Starz. Mais les Etats-Unis ne l’inspirent plus. A l’invitation de Bando, il rejoint Paris en 1987 et se rapproche de Jay-One, A-One, Ash, et Skki. JonOne emprunte les chemins de traverse jusqu’à l’atelier. Très rapidement, dans le cadre de sa résidence à l’Hôpital Ephémère, projet associatif d’occupation des friches urbaines, il débute un travail sur toile.
Attentif à la reproduction picturale du mouvement plutôt qu’à celle du motif, JonOne prend le parti d’une déstructuration du réel prélevé à un niveau élémentaire. Il se détourne progressivement de la figuration pour embrasser une abstraction libertaire. Délaissant l’acrylique, la maîtrise de la technique de la peinture à l’huile complète ses aspirations plastiques. Il atteint la pleine expression de ses différents registres picturaux.
Les œuvres sur toile de JonOne illustrent le processus de construction de son identité d’artiste et l’aboutissement d’un parcours, mettent en lumière un travail d’introspection, l’émancipation du geste, l’effervescence chromatique. Il s’inspire des maîtres du Nouveau réalisme, Raymond Hains, Jaques Villeglé, Christopher Wool ou Ben. Par sa pratique du all over et du dripping, il revendique volontiers une filiation avec la modernité de l'expressionnisme abstrait, Jackson Pollock, Robert Motherwell, Willem de Kooning.
L’artiste fragmente les couleurs projetées sur l’espace blanc d’un fond sablé et encollé. Les aspérités, accumulation de matière obtenues selon différentes techniques confèrent une troisième dimension à ses compositions. Les dépressions de la matière picturale révèlent des reliefs et des irrégularités qui captent la lumière, la module par des effets de texture et de profondeur.
Art du déplacement dans l’espace, du mouvement, les compositions abstraites sont très élaborées. JonOne assume le paradoxe, en improvisant dans une maîtrise du geste pourtant pas exempte de spontanéité. La dimension performative de sa pratique relève de la gestualité de l’Action Painting. La vague de matière frissonne sur la toile. Le souvenir de la pratique vandale fait place au ballet intense et précis. Dynamisme fascinant, pure énergie, insolente vitalité, sensibilité éclatante.
JonOne - Infinity
Jusqu’au 31 juillet 2020
Galerie Rabouan Moussion
11 rue Pastourelle - Paris 3
Tél : 01 48 87 75 91
Horaires : Du lundi au samedi de 10h à 19h30
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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