Au fin fond de l’Amérique, dans un hameau paumé de l’Arizona, au milieu du désert, Katie rêve de Californie, de devenir coiffeuse à San Francisco. Serveuse dans l’unique diner du coin, elle entretient sa mère, une irresponsable immature et égoïste qui passe ses journées à boire des bières devant la télévision et ses nuits avec le mari de la voisine. Déterminée, Katie économise chaque dollar, chaque pourboire et pour quelques billets de plus accorde ses faveurs aux routiers de passage ainsi qu’aux habitués, parmi lesquels se trouvent le shérif et un ancien professeur de lycée. Malgré tout, la jeune femme garde foi en l’avenir et en l’amour, ingénue au grand cœur, prostituée vertueuse. Lorsqu’elle croise le chemin de Bruno, ex-taulard taiseux, tout juste embauché comme mécano dans le garage de Bud, c’est le coup de foudre. L’équilibre précaire de son existence bascule.
Wayne Roberts, nouveau venu du cinéma indépendant, signe un portrait de femme poignant. Figure paradoxale de l’innocence, Katie, incarnée par la lumineuse Olivia Cooke, échappe au sordide de sa propre situation par sa grâce, sa bienveillance et sa force de caractère dissimulée sous une apparente docilité. Elle ne se plaint jamais, rayonnante sous son apparente vulnérabilité, résolue dans sa quête d’indépendance.
Tandis que le drame se noue, la tragédie en germe déploie ses ailes, l’innocence se perd. Katie, espoir chevillé au corps, refuse de se laisser atteindre par la tristesse de ce monde sordide, ne pas se laisser submerger par la détresse. Exploitée, rabaissée, tous cherchent à profiter d’elle à l’utiliser. La vindicte populaire s’en prend à cette générosité pure, à son indéfectible optimisme.
Trop pure, trop candide aussi, Katie est confrontée aux désillusions, aux compromissions et à l’horreur d’une société patriarcale qui place les femmes dans des situations désespérées. Par le biais de cette figure d’héroïne sacrificielle, le cinéaste aborde avec sensibilité des sujets difficiles, la violence, le viol, la prostitution. Katie / Olivia Cooke qui porte le film sur ses frêles épaules surmonte les épreuves, victime expiatoire sur laquelle s’acharnent le destin et la cruauté des êtres. Souffrance accablante et situations insoutenables.
La galerie de personnages secondaires, attachants, révoltants, détestables souligne la capacité de résilience de la jeune femme, James Belushi en routier compréhensif, Mireille Enos en mère désastreuse, Mary Steenburger patronne du diner avec laquelle Katie a noué une véritable relation filiale, l’inquiétant amoureux incarné par Christopher Abbott.
Explorant un microcosme à la marge, l’envers du rêve américain, le réalisateur met en scène les laissés pour compte d’une ruralité indigente. La poésie des images, la violente beauté des étendues désertiques, immensité des paysages contraste avec la désolation de la situation sociale. Loin des clichés misérabilistes, Wayne Roberts noue un drame sombre dont la terrible âpreté est compensée par la figure solaire de son héroïne.
Katie says goodbye, de Wayne Roberts
Avec Olivia Cooke, Christopher Abbott, Mireille Enos, Mary Steenburger, James Belushi, Chris Lowell
Sortie le 18 avril 2018
Disponible sur OCS
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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