Le Monde des possibles - Marie-Lorna Vaconsin : Elisa se souvient comment tout a débuté par hasard, presque malgré elle, il y a quatre ans, l’année du bac. Pour attirer l’attention de Garance, Elisa flirte le temps d’une soirée avec Olivier. Elle n’a pas l’habitude de laisser indifférents les garçons et vit mal qu’il ne cherche pas à la recontacter. L’explication vient rapidement. Un jour, elle croise Garance et Olivier tendrement enlacés rue de Rivoli. Pour les éviter, Elisa entre dans un hôtel où se déroule un casting. Un prestigieux cinéaste américain cherche la petite Française qui incarnera la douloureuse héroïne de son nouveau long-métrage. Contre toute attente, Elisa obtient le rôle et s’envole pour Los Angeles sans bien savoir où elle va, ni même si elle en a vraiment envie. Coachée par la séduisante Martha, elle incarne le personnage. Et puis la vie suit son cours, la débrouille en Californie, le milieu des acteurs en devenir. Quand le film est sélectionné à Cannes, Elisa reçoit un prix. Elle est alors projetée dans un univers d’apparences et de succès, celui des célébrités. Les opportunités se multiplient, les rôles abondent mais elle a l’impression de se perdre. Elle n’a pas encore vingt ans et fait la connaissance d’Adrian, un voyou habitué des milieux interlopes. Il y a beaucoup de drogues, d’alcool, de nuits sans sommeil. Ensuite, elle rencontre Agostino, héritier d’une grande famille milanaise. Ils se marient. Elisa ne sait plus où elle en est. Elle décide de s’enfuir en Argentine sous une fausse identité. A Buenos Aires, Ben va bouleverser le destin d’Elisa.
Oeuvre romanesque, « Le Monde des possibles » ne renie pourtant pas les éléments biographiques disséminés au cœur même du récit. Marie-Lorna Vaconsin, ancienne élève du cours Simon, a été révélée sur grand écran par des films comme « La Fille du 14 juillet ». En osmose avec le personnage d’Elisa, la romancière livre des éclats de vie intérieure et laisse s’exprimer sa fascination pour les dédoublements, les jeux de miroir, les mutations de l’être, les fluctuations de l’âme. Plume ardente, rythmique redoutable, style alerte, l’épure cède parfois à des accès flamboyants de sensualité. Dans cette fable moderne de la jeunesse ultime soubresaut avant l’âge adulte, Marie-Lorna Vaconsin célèbre les retrouvailles avec soi-même, les révélations lumineuses.
Assumant un goût pour les êtres ambivalents, personnages à la marge, créatures ambiguës de la nuit, l’autrice peuple son récit de personnages féminins à la psychologie finement esquissées. Devenue actrice par hasard, Elisa, taiseuse et nonchalante, expérimente les dépits amoureux, les relations tumultueuses et les excès. Mal entourée, mal aimée, elle suit le flot, ballotée par un destin qu’elle ne contrôle pas, déplacée d’un point à l’autre par les aléas de l’existence, par des décisionnaires extérieurs. Poupée sans volonté propre, elle se plie aux desseins des cinéastes, à ceux des hommes qui partagent son lit. A vouloir satisfaire tout le monde, elle se perd, s’éparpille. La situation la plonge dans un mal-être intense tandis qu’elle découvre la cruauté des rapports humains, l’envers sulfureux de la célébrité.
La reconnaissance publique et l’insatisfaction intime enfantent chez Elisa un spleen terrible qui envahit chaque seconde de son existence. Sa dérive personnelle entre en écho avec l’impossible quête d’elle-même. Douleur de ne plus s’appartenir, corps devenu objet, elle perd le contact avec la réalité et son être le plus profond. Marie-Lorna Vaconsin pointe avec intensité les fêlures de cette jeune femme qui doit fuir pour s’autoriser enfin à se réaliser, à assumer la violence des désirs, les transgressions jusqu’au vertige, à affronter l’angoisse sourde de la mort. Révolte et revendication sont les clés de la délivrance. Un très beau roman.
Le Monde des possibles - Marie-Lorna Vaconsin - Editions Fasciné
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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