Le jardin du Palais Royal, créé en 1629 dans le prolongement du Palais imaginé pour le Cardinal de Richelieu, a été entièrement réinventé au fil du temps et des propriétaires successifs. A la fin du XVIIIème, il est finalement réduit à un délicieux quadrilatère de quelques 2,1 hectares à la suite d'une grande opération immobilière. Cet espace vert public, isolé de la rue par d'élégantes constructions, déploie des charmes hors du temps. Disposées à la façon d’une place ou d’un vaste cloître, les célèbres arcades du Palais Royal bordent un ensemble tout en belles perspectives. Les immeubles à l’harmonieuse architecture s’élèvent sur trois niveaux au-dessus des galeries. Ils se composent d’un premier étage doté d’une hauteur sous plafond prestigieuse, d’un attique à l’italienne ainsi qu’un troisième étage encastré sous toit et bordé d’une balustrade. Le Palais Royal, longtemps très animé, haut lieu des plaisirs licencieux sous l’Ancien Régime, épicentre de l’activité intellectuelle contestataire, est désormais un paisible jardin découpé en deux grands parterres, bordé de galeries marchandes aux boutiques luxueuses.
En 1624, le Cardinal de Richelieu (1585-1642) devient le principal ministre d’Etat de Louis XIII. Afin de se rapprocher du Louvre, il fait l’acquisition de l’hôtel de Rambouillet, dont le terrain est fermé par un fragment de l’enceinte de Charles V. En 1633, un brevet royal confrère la propriété de la parcelle au Cardinal. Entre 1629 et 1636, il confie à un proche, l’architecte Jacques Lemercier (1585-1654), les transformations de l’hôtel particulier originel en véritable palais. Ce sera le Palais Cardinal, fameux pour ses somptueux appartements et son théâtre.
Afin d’apaiser les éventuelles jalousies, mais également de s’assurer de la pérennité de son oeuvre, le Cardinal de Richelieu fait don, dès 1636, de son palais au roi et à ses descendants, tout en conservant l’usufruit. Le Palais Cardinal revient à la couronne à la mort du prélat en 1642. Il devient le Palais Royal en 1643 lorsque la Régente Anne d’Autriche s’y installe jusqu’en 1652. Louis XIV (1638-1715) enfant joue dans les jardins disposés en deux allées d’ormes, des parterres avec broderies qu’agrémentent des statues et deux bassins. Néanmoins, traumatisé par les événements de la Fronde, le Roi Soleil éprouvera une profonde désaffection pour cette résidence qui est longtemps abandonnée. En février 1692, le Palais Royal est donné en apanage, au frère du roi, Philippe d’Orléans (1640-1701), dit Monsieur.
Il devient la résidence favorite de son fils Philippe d’Orléans (1674-1723), futur Régent, de 1715 à 1723. Ce dernier y donne de célèbres fêtes. Le fils du Régent, Louis Ier d‘Orléans surnommé le Pieux (1703-1752), se rend propriétaire du Palais Royal à la mort de son père en 1723. Il confie le soin de redessiner les jardins$S=d : à Claude Desgots (1655-1732), architecte et jardinier, élève de son grand-oncle, André Le Nôtre avec lequel il a travaillé notamment sur les projets du parc du château de Chantilly, du jardin du Palais des Tuileries, de Saint-Cloud, de Sceaux et du Trianon.
Les vieux arbres sont coupés, les bassins comblés, la symétrie revue. Le jardin ouvert au public demeure propriété privée et donc hors de la juridiction de la police du Roi. Duellistes et vénus mercenaires y trouvent refuge tandis que dans les Cafés littéraires et autres cabinets de lecture des idées libertaires circulent.
1787 Promenade dans la galerie du Palais Royal - Philippe Louis Debucourt |
1787 Promenade au jardin du Palais Royal - Philippe Louis Debucourt |
1790 Jardin du plais Royal - Firmin Didot |
Circa 1800 Jardin du Palais Royal |
Circa 1800 Galeries du Palais Royal |
1809 Galeries du Palais Royal - Louis Leopold Boilly |
1828 Galeries de bois au Palais Royal - Theodor Josef Hubert Hoffbauer |
Le petit-fils de Louis le Pieux, Louis-Philippe d’Orléans (1747-1793) qui devient Philippe Egalité après 1792, obtient de son père, le Palais Royal en concession à partir de 1776. Il en acquiert la pleine propriété à partir de 1780.
A la suite des travaux de reconstruction du théâtre par l’architecte Victor Louis, le duc de Chartres mène une vaste opération immobilière dans l’espoir de rentabiliser sa résidence princière. Le jardin est amputé de 20 hectares afin d’édifier un ensemble d’immeubles uniformes au rez-de-chaussée desquels sont disposées des galeries. Les espaces d’habitation sont disposés sur les étages supérieurs. Les rues ceignant le parallélépipède sont baptisées d’après les titres des fils du duc, Valois, Montpensier et Beaujolais. Au centre du nouveau jardin rétréci, est tracée une carrière destinée aux exercices équestres.
Pour renflouer ses finances fragilisées par ces grands travaux dispendieux, le prince spécule sur les arcades. Mais l’investissement s’avère peu rentable, les constructions difficiles à louer ou à vendre. Les riverains privés de la vue sur le jardin mènent des procès. Bientôt les créanciers s’associent pour réclamer leur dû. A défaut d’avoir les moyens d’achever les travaux, le nord de la place est fermé par une galerie en bois où baraquements louches et tripots clandestins se multiplient. En 1785, le Palais Royal devient le centre de ralliement des ennemis de la cour, prémices de la Révolution.
En 1789, le jardin du Palais Royal nationalisé devient le cadre privilégié de grandes célébrations patriotiques. Sous le Directoire, le Consulat et l’Empire, il conserve ces commerces alternatifs, maisons de jeu et prostitution. La légende veut même que le futur Napoléon soit venu au Palais Royal pour y jeter sa gourme. Malgré ou peut-être grâce à la mauvaise réputation des lieux, la vie mondaine est intense, l’activité intellectuelle brillante.
Au XIXème siècle, les choses changent. Avec la Restauration (1814-1830), la famille d’Orléans retrouve la propriété du Palais Royal. Louis-Philippe veille à l’éviction des commerces douteux. En 1814, il charge Pierre Fontaine (1762-1853) de reconstruire une grande galerie en pierre à la place de celle en bois, et d’achever les ailes de Valois et de Montpensier rythmées par des colonnades. La cour d’honneur et le jardin sont séparés par une nouvelle colonnade. Le jardin redevient espace vert paisible. En 1871, le Palais Royal est affecté au Conseil d’Etat puis à la direction des Beaux-arts à laquelle le ministère de la Culture succède en 1959.
Si le Palais Royal et son jardin font désormais partie de la légende parisienne, ils ont néanmoins été menacés en 1904 par un projet urbanistique d’Eugène Hénard (1849-1923). Le projet envisage alors la création d'une nouvelle grande croisée de Paris avec la transformation du Palais-Royal en vaste carrefour circulaire, lieu d’intersection de deux grandes avenues perpendiculaires partageant Paris en quatre quartiers.
De nos jours, il demeure peu d’éléments du jardin originel. La bordure de pilastres, les arcades de Victor Louis gardent le souvenir du tracé sur un axe principal nord-sud. Le jardin est centré sur le bassin animé de jets d’eau. Quatre rangées de tilleuls taillés en rideaux soulignent les perspectives. Au cours du XIXème et du XXème siècle, statues et monuments divers, apparaissent et disparaissent au gré des amitiés et des inimitiés du pouvoir en place. Demeure un « Charmeur de serpent » d’Adolphe Tabard datant de 1875.
Les œuvres contemporaines datant des années 1980 sont devenues les grandes attractions des lieux. Sur la galerie d’Orléans, la double rangée de colonnes néo-classiques borde une cour découverte en 1933 où se trouvent deux bassins sur lesquels est intervenu Pol Bury, créateur des "Sphérades", fontaines atypiques. Objet de scandale et pôle d’attraction indéniable, les colonnes de Buren, une oeuvre signée Daniel Buren et intitulée "les Deux plateaux" ont su imposer leur style si singulier à l’ensemble.
Les galeries du Palais Royal abritent deux théâtres majeurs, l'entrée de service de la Comédie française et le théâtre du palais Royal reconstruit par l'architecte Louis Régnier de Guerchy en 1830. Le restaurant le Grand Véfour ancien Café de Chartres acquis en 1820 par Jean Véfour a conservé de remarquables décorations d’époque. En février 2019, deux allées du jardin ont été rebaptisées afin de rendre hommage à Colette (1873-1954) et Jean Cocteau (1899-1963), célèbres riverains du Palais Royal,.
Jardin du Palais Royal
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos
Le guide du promeneur 1er arrondissement - Philippe Godoÿ - Parigramme
Grammaire des jardins parisiens - Dominique Jarrassé - Parigramme
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