Orphelin abandonné à la naissance par ses parents, Leo est un jeune boxeur prometteur. Une belle carrière s’ouvre à lui quand, à la suite d’examens médicaux, il apprend qu’il est atteint d’une tumeur au cerveau inopérable et fatale. En pleine crise existentielle, il erre la nuit dans les quartiers chauds de Tokyo. Leo fait alors la connaissance de Monica, vendue par son père à des truands pour éponger des dettes de jeu, truands qui l’ont initiée à la drogue et contrainte à la prostitution. Puisqu’il n’a plus rien à perdre, qu’il est déjà condamné par la médecine, Leo décide de sauver Monica de sa toxicomanie et des yakuzas qui la retiennent sous leur coupe. A la suite d’une tentative de détournement d’une grosse livraison de cocaïne, le couple porte le chapeau alors que se déclenche une guerre des gangs entre les clans yakuzas et les triades chinoises. Leo et Monica sont pris en chasse par un flic véreux, des mafieux très énervés, une redoutable tueuse.
Takashi Miike, réalisateur très prolifique et phénomène du cinéma japonais depuis les années 1990, compte à son actif plus de 100 productions parmi lesquelles des curiosités et des gros navets mais également des pépites. Cet hyperactif touche à tout a expérimenté, exploré voracement les genres pour mieux les brasser. « First love, le dernier yakuza », thriller euphorisant mâtiné d’une romance en sous-texte, oscille entre l’ultra-violence et la veine comique un peu dans la lignée des premières œuvres de Tarantino. Takashi Miike embrasse l’étrange alliance du saugrenu et du macabre dans un foisonnement créatif réjouissant.
Ce film d’action frénétique en boude pas les références iconographiques aux séries B dans un processus visuel qui traduit le goût du cinéaste pour le grotesque, l’outrance. Véritable défouloir transgressif, le polar provocant coche les cases du suspense savamment entretenu, des rebondissements déjantés, du rythme haletant mené avec art. La mise en scène qui retranscrit le chaos du monde invite le spectateur à se laisser prendre au jeu de la démesure et des faux-semblants. La stylisation gore s’incarne en course-poursuites sanglantes, têtes tranchées au sabre, comme autant d’exagérations volontaires à savourer comme des perles burlesques.
Les deux jeunes héros de ce film électrisant, personnages en bout de course, sans repères et attachants, sont confrontés à des méchants très méchants, guidés uniquement par l’appât du gain. Ils représentent une forme de pureté menacées par la corruption du monde qui les entoure. Les milieux interlopes tokyoïtes composent un décor urbain baigné de lumières maladives, une esthétique des bas-fonds qui suggère l’avilissement, la corruption.
Takashi Miike pose un certain regard sur le Japon contemporain et décrit un univers gangréné par l’individualisme. La survie passe par l’exploitation des plus faibles, la destruction des liens humains. Film de gangsters, thriller et comédie déjantée, ce conte moral pop au propos décapant se révèle critique sociétale aigüe.
First love, le dernier yakuza, de Takashi Miike
Avec Masataka Kubota, Nao Ohmori, Shôta Sometani, Jun Murakami, Sansei Shiomi
Sortie le 1er janvier 2020
Sortie VOD le 4 mai 2020
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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