Paris : Tombe d'Oscar Wilde au Père Lachaise, disparition mystérieuse de membre viril et embrassades délétères au cimetière - XXème



La tombe d’Oscar Wilde (1854-1900) attire au cimetière du Père Lachaise nombre de visiteurs venus rendre hommage à l’une des plus grandes figures de la littérature européenne. Romancier, dramaturge et poète, l’écrivain irlandais décède à Paris dans le plus grand dénuement en 1900. Dans un premier temps, il est modestement inhumé à Bagneux dans les Hauts de Seine. Mais en 1909, sa dépouille est transférée dans la nécropole parisienne grâce au soutien financier d’admirateurs et d’amis qui se portent acquéreur d’une concession au nom de la famille. Le mausolée réalisé par Jacob Epstein (1880-1959), pionnier de la sculpture moderne, représente un sphinx ailé, allégorie de la poésie. Ce motif inspiré par le taureau androcéphale assyrien de l’époque classique fait allusion au poème de Wilde "La Sphinge". Le visage présente une ressemblance frappante avec celui de l’écrivain. Depuis 1950, le monument abrite également les cendres de Robert Ross, dernier compagnon et légataire d’Oscar Wilde. L’oeuvre-hommage imaginée par Jacob Epstein a été un objet de scandale dès sa révélation. Les esprits pudibonds de l’époque se sont sentis offensés par la générosité de l’appareil génital du sphinx. Depuis, la sculpture a été castrée dans des circonstances qui demeurent encore énigmatiques. A la fin des années 1990, un étrange rituel s’est répandu parmi les visiteurs. Afin de se donner de la chance en amour, ils se sont mis à embrasser le monument les lèvres fardées de rouge. Les empreintes grasses s’accumulant, les pigments vermillon laissant des traces indélébiles et les nettoyages successifs rendant poreuse la matière, la pierre s’est détériorée au point qu’une rénovation a été nécessaire pour sauver le sphinx d’Oscar Wilde. En 2011, le monument a été nettoyé en profondeur. Désormais, une enceinte de verre infranchissable le protège des effusions.








Oscar Wilde meurt à Paris le 30 novembre 1900. Ruiné après les procès en Angleterre et son emprisonnement pour homosexualité, l’écrivain s’est exilé en France en 1897. Sa santé est demeurée vacillante depuis son enfermement dans la geôle de Reading. Il vit dans la misère. Lors de son décès, son corps est mis en terre à Bagneux. En 1909, Robert Ross parvient à réunir les sommes nécessaires à l’achat d’une concession. La dépouille de Wilde est transférée au Père Lachaise. Robert Ross choisit Jacob Epstein pour réaliser le mausolée. Des donateurs anonymes financent le monument à hauteur de 2000 livres. Il s’agit de personnes ayant connu Oscar Wilde, Helen Carew (1882-1980) actrice américaine, grande admiratrice et l’écrivain Stephen Hudson (1868-1944) aka Sydney Schiff. 

Jacob Epstein présente un projet de monument funéraire en 1912, acclamé par la presse. Il sculpte The Flying Demon Angel dans un bloc de pierre blanche de 20 tonnes. Lorsque l’artiste se rend au Père Lachaise afin de finaliser le mausolée, il trouve son oeuvre allégorique recouvert d’une bâche. Et pire encore, afin de dissimuler les attributs virils du sphinx jugés provocants, un emplâtre épais a été apposé. Le directeur des Beaux-arts de Paris et le préfet de la ville demandent à Jacob Epstein de placer une feuille de vigne le membre de la bête. Il refuse. Les pudibonds se passent de son accord. Un cache sexe est mis en place. Le mausolée reste dissimulé aux regards sous une bâche jusqu’en 1914.

De nos jours, l’appareil génital proéminent s’est volatilisé. Et sa disparition n’a jamais été clairement élucidée. Il circule néanmoins diverses pistes concernant cette castration. La première hypothèse suggère qu’un groupe d’étudiants venus délivrer la statue de sa feuille de vigne, auraient dans leur maladresse descellé bien plus, fracassant l’objet du scandale malgré eux. Une autre supposition implique la rage d’une anglaise indignée. Dans les années 1960, une femme horrifiée par cette virilité trop assumée aurait vandalisé le monument à coup de pierres ou de parapluie selon les versions, brisant le pénis et les testicules. Les gonades de pierre ramassées par un employé auraient servi un temps de presse-papier au conservateur du cimetière. Sans photographie du monument dans son état originel, les supputations vont bon cours. En 2000, pour le centenaire de la mort d’Oscar Wilde, l’artiste sud-africain Leon Johnson a filmé une performance autour du mausolée. Durant ce happening, il procède à la greffe sur le sphinx d’une prothèse en argent.  La vidéo a été intitulée "Re-membering Oscar Wilde". 








Le mausolée inscrit aux Monuments historiques par arrêté du 10 mars 1995 a fait l’objet à partir de la fin des années 1990 d’un curieux rituel. Les admirateurs avaient pris l’habitude de marquer leur passage en embrasser le monument, la bouche recouverte de rouge à lèvres vermillon. Au fil du temps, les pigments et le gras du maquillage pénétrant profondément la pierre ainsi que les tentatives de débarbouillage ont détérioré la statue.

En 2011, une campagne de rénovation a été menée, financée par la famille, Merlin Holland unique petit-fils d’Oscar Wilde, le gouvernement irlandais. Avec le soutien technique des Monuments historiques français, le monument funéraire a retrouvé son lustre initial et sa blancheur virginale. Cependant le sexe vandalisé n’a pas été reconstruit, conservant un creux au niveau de l’aine. Afin d’éloigner les ardeurs des fans, un dispositif de protection a été mise en place. Désormais, des plaques de verre hautes de 2 mètres préserve la mémoire d’Oscar Wilde.

Tombe d’Oscar Wilde
89ème division
Cimetière du Père Lachaise

Entrée principale : 8 boulevard de Ménilmontant - Paris 20
Horaires d’ouverture :
- De novembre à mi-mars : du lundi au vendredi de 8h à 17h30 - le samedi de 8h30 à 17h30 - le dimanche et les jours fériés de 9h à 17h30 
- De mi-mars à octobre : du lundi au vendredi de 8h à 18h - le samedi de 8h30 à 18h - le dimanche et les jours fériés de 9h à 18h 
pere-lachaise.com



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 20è arrondissement - Anne-Marie Dubois - Parigramme

Sites référents
Le Point AFP
L'Express Reuters