Cinéma VOD : Le Traître, de Marco Bellocchio - Avec Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Fabrizio Ferracane



Au début des années 1980, Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, est exilé au Brésil pour échapper à la justice italienne. Il a refait sa vie et joue les intermédiaires auprès des trafiquants de drogue. En Sicile, le clan des Corleonesi dominé par le féroce Toto Riina mène une lutte sanglante contre les vieilles familles de Palerme afin de s’emparer du pouvoir. Les deux fils aînés et le frère de Buscetta, restés au pays, sont assassinés par les hommes de Riina. Le danger se rapproche lorsque Tommaso Buscetta est arrêté par la police brésilienne qui décide de l’extrader vers la Sicile. Le juge Giovanni Falcone engagé dans la lutte anti-mafia l’attend à Palerme. Soif de vengeance, nécessité de la survie, quête de rédemption, Bruscetta prend la décision de briser l’Omerta, de sortir du silence et de trahir son serment d’allégeance à Cosa Nostra. Il assume tout et son témoignage va permettre de démanteler l’organisation criminelle. Il livre tous les détails des réseaux, les ramifications de la pieuvre qui remontent jusqu’aux plus hautes sphères de la politique. 







Fresque puissante, Le Traître retrace la fin d’un monde tout en approchant la vérité d’un homme. Portée par un souffle historique, cette biographie précise mêle lyrisme et mélancolie en un même propos. Sur le fil d’une narration classique, Marco Bellocchio pose un regard lucide sur la mafia et s’attache à en déconstruire la mythologie flamboyante, l’iconographie clinquante hautement cinégénique prisée par les réalisateurs américains. Ce décryptage inspiré éclaire un développement limpide sur la décomposition d’une société vue par le prisme d’un itinéraire personnel. 

Au début des années 1980, le crime organisé à l’ancienne est confronté à l’avènement une nouvelle ère incarnée par la famille venue de Corleone. Désormais faction dominante de Cosa Nostra, cette dernière est poussée sous l’influence de son Capo aux extrémités les plus sanglantes. Afin d’asseoir son pouvoir et ses valeurs, Toto Riina lance la Deuxième guerre de la mafia et fait exécuter ses possibles rivaux. Il choisit de s’imposer par le règne de la terreur. Stratégie mortifère, il mène une campagne de violence contre les clans concurrents mais également contre l’Etat, multipliant les attentats terroristes et orchestrant le meurtre des juges anti-mafia. 




Marco Bellocchio livre une réflexion personnelle sur cette époque. Filmant l’histoire particulière d’un personnage avec suffisamment de distance pour saisir toute la complexité du contexte, le réalisateur fait preuve d’une maîtrise narrative passionnante. L’ambivalence de Tommaso Buscetta, son ambiguïté, père de famille attentionné, mafieux désireux de s’élever dans la hiérarchie, homme à la moralité fluctuante, « ni héros, ni monstre » comme l’indique le cinéaste, en fait un formidable personnage de cinéma. Premier membre de Cosa Nostra à devenir un informateur, il révèle les rouages de l’organisation et permet d’établir la complicité de tous les pontes. Il est le témoin clé du « Maxiprocesso » qui s’ouvre en Sicile en février 1986. 

Vie carcérale, arcanes de l’administration, bureaux du palais de Justice, cours d’audience, le réalisateur s’attache dans sa représentation à démythifier la mafia mais donne au procès-spectacle la dimension d’une grande scène de théâtre. Audiences sous tension, menaces de représailles, 475 inculpés amenés à comparaître, l’évènement surmédiatisé prend des allures épiques. Marco Bellocchio trouve dans ce maelström savamment mise en scène les éléments pour illustrer l’évolution de la société italienne et réaliser bien plus qu’un film de mafia, une grande oeuvre.

Le Traître, de Marco Bellochio
Avec Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Fabrizio Ferracane
Sortie le 30 octobre 2019
Sortie VOD 13 mars 2020
 


Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.