Cinéma : Mamacita, un documentaire de José Pablo Estrada Torrescano



Au Mexique, Mamacita, maîtresse-femme et redoutable femme d’affaires autodidacte a construit par elle-même un empire des cosmétiques. Aujourd’hui à la tête d’une famille nombreuse, la matriarche approche le centenaire. L’irascible vieille dame à la personnalité aussi baroque qu’autoritaire n’a pas renoncé aux apparences de la coquetterie. Yeux lourdement fardés, mains nouées par l’arthrose mais couvertes de bagues, elle professe des valeurs d’un autre temps, exhorte les femmes à lui ressembler en prenant soin de leur apparence. Reine d’un royaume réduit à sa villa forteresse, amoindrie par l’âge, Mamacita est dépendante d’une palanquée de domestiques. Jardinier, chauffeur, chef, femme de ménage forment une petite cour qu’elle mène à la baguette tandis que des infirmières exemplaires se dévouent nuit et jour. Lorsque son petit-fils José Pablo Estrada Torrescano a quitté le Mexique pour l’Europe où il a suivi à Prague des études en cinéma, elle lui a fait promettre de revenir afin de réaliser un film sur sa vie. 







Par le biais de ce documentaire portrait, José Pablo Estrada Torrescano renoue un dialogue avec cette excentrique grand-mère au tempérament bien trempé et retrace l’histoire d’une famille déchirée par de terribles secrets. Les photos, les vidéos que le réalisateur présente à la vieille dame lui permettent de reconstituer pour mieux le comprendre l’exceptionnel destin de Maria del Carmen Torrescano, dite Mamacita. 

A première vue, le personnage porté par sa force de caractère, son autoritarisme intransigeant ne semble pas forcément très sympathique. Mais en levant le voile sur ses blessures, en acceptant de baisser sa garde, elle se révèle de plus en plus attendrissante. L’aïeule rudoie son petit-fils, reste sur ses gardes, mauvaise foi réjouissante en étendard, aplomb imperturbable. Mamacita se livre, nourrit la légende. Elle raconte son parcours de vie semé d'embûches. Comment elle a su dépasser les revers de fortune de ses propres parent et s’imposer en tant que femme dans une société machiste. Les fantômes de son passé tumultueux surgissent au détour d’une confidence. 




La présence bienveillante, amusée, de José Pablo Estrada Torrescano agit peu à peu sur Mamacita dont le discours s’apaise tandis que les confidences se font plus intimes, les échanges plus sincères porteurs d’émotion. Elle s’ouvre à la tendresse de ce petit-fils et laisse voir ce que cache les artifices, les blessures derrière la façade de guerrière. Les secrets de famille, les mensonges et les faux-semblants qui gangrènent depuis cinq générations.

Avec empathie, José Pablo Estrada Torrescano parvient à retranscrire les contradictions, la complexité, les zones d’ombre aussi de la vieille dame ainsi que sa vulnérabilité. Histoire de résilience, ce documentaire réconcilie le présent et le passé, jette des ponts entre les générations.

Mamacita, un documentaire de José Pablo Estrada Torrescano
Sortie le 12 février 2020



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.