Paris : L'Arbre des Voyelles, une oeuvre de Giuseppe Penone - Jardin des Tuileries - Ier



L’Arbre des Voyelles, une oeuvre de l’artiste italien Giuseppe Penone, figure majeure du courant Arte Povera, joue à cache-cache avec le visiteur dans un parterre presque retourné à l’état sauvage du jardin des Tuileries. Au sol, parmi les herbes folles, un chêne est couché comme déraciné par les intempéries, arbre pétrifié par quelque désastre écologique. Il s’agit d’une réplique en bronze moulé sur un véritable chêne selon la technique de la cire perdue. Giuseppe Penone interroge ici l’essence même du végétal qui est putrescible et celle du métal immarcescible. Il développe une réflexion existentielle sur la fragilité de la nature, dans un propos écologique qui accepte l’idée du vivant comme matière sculpturale. L’oeuvre commandée par le Ministère de la Culture en 1998 a été prémonitoire. En 1999, une grande tempête s’est abattue sur la France, ravageant de nombreux arbres, décimant de précieuses forêts patrimoniales. L’Arbre des Voyelles a été installé aux Tuileries en décembre 1999. 











Le réalisme de L’Arbre des Voyelles, chêne abattu, mort et pourtant qui résiste à l’impermanence de la matière organique est troublant. Giuseppe Penone n’a pas choisi le matériau de son oeuvre au hasard. "Si j'ai utilisé le bronze, c'est parce qu'il est une fossilisation idéale du végétal. Le bronze a ses racines dans une culture qui est l'animisme et je ne peux penser qu'elle ait utilisé des techniques qui n'étaient pas en liaison avec la brutalité de la nature. Enfin c'est un matériau qui, si on le laisse à l'extérieur, à toutes les intempéries, prend une oxydation dont l'aspect est très similaire à celui de la feuille ou du fût des arbres." Le geste artistique trouve un intéressant paradoxe dans l’inertie du bronze qui résiste au temps qui passe tandis que la nature ne cesse de mourir et de renaître autour. 

Les racines écourtées forment, à peine perceptibles dans leur entremêlement, les cinq voyelles de l’alphabet celte oghamique, Beth-Luis-Nion dont chaque lettre correspond à un arbre, une divinité et une date. Entre les branches à l’autre extrémité de l’oeuvre, cinq arbres d’essences différentes associés à ces voyelles ont été plantés. Les noms celtes de l’aulne, du chêne vert, du peuplier, du frêne et de l’if. 









L’arbre mort enfante cinq nouveaux arbustes qui en croissant enserre la sculpture dans un cycle de vie procédant de l’hybridation. La nature est intégrée à l’oeuvre dans une sorte de greffe improbable. Giuseppe Penone a longtemps travaillé sur les végétaux, intervenant pour modifier leur croissance, imaginant des déformations par compression. En quête des origines, il cherche à remonter le temps par le biais de cette thématique de la croissance. Sa démarche implique une interaction entre nature et culture. Le geste artistique marque la nature de son empreinte indélébile.

Au fil des saisons, l’apparence de L’Arbre des Voyelles évolue en fonction du parterre où l’oeuvre repose, parterre imaginé avec le concours du jardinier paysager Pascal Cribier afin de bousculer la géométrie classique du jardin de Le Nôtre. A la belle saison, L’Arbre des Voyelles se confond avec la végétation et disparaît presque sous l’abondance des herbes folles, le foisonnement du feuillage, tandis qu’en hiver, il se trouve brutalement affiché dans sa pleine nudité crue. Par cette démarche, Giuseppe Penone poursuit une réflexion sur le lieu d’exposition des œuvres, notamment l’In sitù à laquelle s’est attaché le mouvement Arte Povera.

L’Arbre des Voyelles Giuseppe Penone 
Jardin des Tuileries - Paris 1

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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.