Ailleurs : Fête des Lumières 2019, Lyon Ville Lumière, manifestation artistique et poétique d'envergure internationale



Au cœur de la nuit, juste avant le solstice d’hiver, la féérie des créations de la Fête de la Lumière réenchante Lyon. Evènement le plus célèbre et le plus populaire la Capitale des Gaules, cette grande manifestation artistique à la renommée internationale a réuni l’année passée 1,8 millions de visiteurs. A l'occasion de cette nouvelle édition, les professionnels de la lumière ont imaginé 65 projets et investi plus de 35 sites pour un parcours à travers chaque quartier de la ville aux deux collines. Illuminations, installations, mapping, vidéos scénarisées, spectacles vivants, le patrimoine urbain, architectural et culturel de la cité devient terrain d’expression artistique. Dans ce vaste élan créatif, la Fête de la Lumière rassemble de nombreux métiers, des compétences aussi diverses que pointues. Eclairagistes, urbanistes de la ville, designers, plasticiens, scénographes se saisissent du matériau chargé de sens du paysage urbain, pour réinventer un espace à l’aune de leur talent. Les façades des plus beaux bâtiments, les places emblématiques, les fontaines, les statues prennent une dimension nouvelle au rythme des expérimentations lumineuses et musicales. La programmation aussi cohérente qu’accessible affirme sa vocation d’art populaire de qualité et lance des ponts entre les publics, entre les générations. Si l’émotion et l’humanité sont les clés essentielles de la Fête des Lumières, les artistes en prise avec leur temps traduisent à travers leurs créations les préoccupations sociales et environnementales.










La tradition de la Fête des Lumières à Lyon correspond à l’histoire d’un territoire et plus particulièrement à celle de la ville. Cet événement tout d’abord religieux appartient à l’origine aux célébrations du culte marial. En 1642, la peste menace la cité. Les Lyonnais adressent leurs prières à la Vierge afin d’être protégés. Les Echevins organisent une procession au flambeau jusqu’à la colline de Fourvière où se trouve alors un sanctuaire dédié à Marie et en 1643, s’engagent à perpétuer ce pèlerinage chaque année. Ils font également la promesse d’offrir deux statues consacrées, ainsi que sept livres de cire blanche et un écu d’or au cours d’une messe annuelle. La Révolution met fin à cette tradition. Mais au milieu du XIXème siècle, l’ancienne confrérie de Notre Dame de Fourvière décide d’agrandir le sanctuaire de la vieille église et de lui offrir une statue de la Vierge monumentale. Statue qui sera installée plus tard au sommet du clocher de la basilique. Commandée au sculpteur Fabisch, l’oeuvre doit être inaugurée le 8 septembre 1852. A la suite d’intempéries importantes, la crue de la Saône inonde l’atelier de l’artiste. L’inauguration est repoussée au 8 décembre. La météo s’en mêle à nouveau et la cérémonie annulée. Les Lyonnais décident alors de placer à leurs fenêtres des lumignons, petites bougies cannelées, afin de que l’évènement soit tout de même marqué. 

Pour les Lyonnais, la Fête des Lumières est l’opportunité de faire connaître leur savoir-faire. Véritable tremplin pour les jeunes créateurs auxquels la ville réserve un lieu dédié, l’évènement s’affirme également comme le rendez-vous des artistes de renommée internationale. Le festival permet de déployer un réseau d’échanges professionnels, où partage des technologies et des connaissances sont au service de la création. 90% des œuvres présentées à l’occasion de la Fête des Lumières ont été conçues pour l’événement. Elles vont par la suite voyager dans le monde entier et faire rayonner les compétences lyonnaises.  Aujourd’hui, la Fête de la Lumière de Lyon inspire de nombreuses villes à travers le monde entier, qui organisent leur propre festival en sollicitant le savoir-faire des équipes lyonnaises. Ce festival est l’occasion d’échanges internationaux intenses. 

Parmi les installations remarquées cette année, celle place des Terreaux était très attendue. Absente de la programmation l’année passée du fait des grands travaux de rénovation, ce lieu symbolique a été investi par le studio Spectaculaires, les allumeurs d’images. Spécialiste de la mise en scène, mise en lumière du patrimoine, Benoît Quero et ses équipes ont imaginé une installation immersive, Une toute petite histoire de lumière, qui célèbre métiers et techniciens œuvrant à cette grande fête. La scénographie monumentale englobe les façades de la Mairie et du palais Saint Pierre où se trouve le Musée des Beaux-arts sur lesquels sont projetées des vidéos en mapping. 

Place Sathonay, Romain Tardy qui explore l’univers des arts numériques dévoile une oeuvre originale, immersive et sensorielle, The Great Indecision Council. Autour de la statue du Sergent Blandan, une structure circulaire géante composée de 18 modules équipés de LED envoie des signaux sonores et lumineux. En temps réel, les recherches Google les plus fréquentes, phrases et mots de l’actualité s’affichent interrogeant l’essence même des préoccupations humaines.











La Cathédrale Saint Jean dévolue au Théoriz Studio, collectif d’ingénieurs, d’artistes nouveaux médias, de codeurs créatifs, devient le canevas inspirant où se succèdent des tableaux faisant appel à des techniques aussi variées que la projection, la vidéo, le mapping, la robotique, la réalité augmentée. Création sonore et immersive ayant pour thème l’origine du monde et son développement jusqu’à nos jours, Genesis expérimente poétiquement l’architecture du lieu afin de lui redonner une identité graphique expérientielle différente d’une rare beauté.

Le spectacle donné sur la Colline de Fourvière se contemple depuis les quais. Le projet véritablement monumental englobe différents sites, le Palais de Justice en bord de Saône, le jardin du Roseraie ainsi que le chevet de la basilique de Fourvière. L’artiste Cotzen pseudonyme de Philippe Cotten, revisite le patrimoine architectural et environnemental de lieux remarquables par des installations spectaculaires. Auteur, réalisateur, scénographe, ses installations à la croisée des disciplines soulignent des propos engagés, philosophiques et politiques, une réflexion sur le monde. Les cueilleurs de nuage, fresque écologique onirique aborde la thématique des enjeux environnementaux. 











Place des Célestins, Jérôme Donna membre de la Direction de l’éclairage urbain de la ville de Lyon, initie un jeu entre l’architecture du théâtre des Célestins, les immeubles de la place et un curieux nuage, entrelacs lumineux, nébuleuse de métal. Ingénieur, éclairagiste et artiste, il pratique et imagine la lumière urbaine sous toutes ses formes, pérenne, créative, événementielle. Son Lightning Cloud fait référence aux nuages de données numériques. La lumière chorégraphiée irradie et se propage en particules de métadonnées. 

Place des Jacobins, Ralph Lottig, du studio Tarm Showlaser convoque la poésie de l’eau par le biais des lasers dans une oeuvre intitulée Wasserleuchten. La Fontaine des Jacobins se prête à l’idée d’un univers aquatique, électrique, et les nappes de lumière se font nappes d’eau. La scénographie high tech mêle des jeux de lumière et de brume. Dans la saturation des couleurs, les reflets, les ondulations imitent le glissement des gouttes d’eau, l’irisation de l’élément liquide. 










Place Bellecour, un décor monumental a transformé la ville en pampa surnaturelle, une Prairie éphémère imaginée par TILT et Porté par le vent. La place a été plantée de 500 herbes géantes lumineuses qui ondoient dans le vent. Cette création du studio TILT de François Fouilhé transpose des univers imaginaires et bucolique dans un monde réel et urbain. Mi-poissons, mi-oiseaux, les Luminéoles de Christophe Martine fondateur de l’agence Porté par le vent émerveillent par leur gracilité de cerfs-volants, la poésie de créatures mythologiques. Spectacle magique de la perception modifiée, retour en enfance grâce aux changements d’échelle.

Dans le Grand Hôtel Dieu, Cour du Midi, le Collectif Scale et la compositrice Lucie Antunes ont imaginé dispositif visuel et scénographique est animé par 20 bras articulés régis par un programme. Dans l’incandescence de tubes tour à tour bleus et rouges, Coda, ballet de lumière robotique s’anime dans une sorte de combat au sabre laser purement esthétique.










Parc de la Tête d’Or, le Groupe F a investi l’espace du lac et des arbres qui le borde dans une oeuvre intitulée Regarde. Le chemin qui mène à l’eau est bordé de tentes sur lesquels sont projetées des vidéos poétiques de la faune et la flore, rappel vivace de la douloureuse situation des personnes qui dorment dans la rue ainsi que de l’urgence climatique et de la disparition des espèces. Perchés dans les branches hautes, des créatures anthropoïdes, êtres hybrides recouverts de combinaisons lumineuses, s’agitent au rythme lent des paresseux. Sur le lac, une sphère entourée de totem devient l’écran où sont projetés des vidéos. Des flammes jaillissent du sol et mettent le feu aux totems annonçant destruction et avènement d’un nouveau monde.

Le grand final de la Fête des Lumières se tiendra à 19h, le dimanche 8 décembre, sur la Saône, entre les passerelles Saint Vincent et Saint Georges. Renouant avec la tradition des lumignons, l’agence Avec a imaginé une rivière de lumière. Lancés sur la rivière 20 000 petits bateaux lumineux - entièrement recyclables et repêchés à la fin du spectacle - portant les vœux et des messages des habitants, eux-mêmes invités à rejoindre la rive avec des lumignons. Une procession aux flambeaux sera organisée de la place Saint Jean à Notre Dame de Fourvière.

Manifestation populaire et artistique, la Fête des Lumières de Lyon fait des émules dans le monde entier. Elle participe grandement du rayonnement de la ville et de ses talents. Entre poésie et exploit technique, la programmation éclectique ne s’inscrit pas dans un thème imposé. La ville de Lyon laisse carte blanche aux professionnels de la lumière. La démarche leur offre une visibilité précieuse. Ils peuvent ainsi faire entendre leur voix, leur engagement écologique et social dans les lieux emblématiques d’une métropole rayonnante. Médium universel et accessible, la lumière se laisse appréhender par tous quel que soit le niveau de lecture. 

Fête des Lumières de Lyon
Du 5 au 8 décembre 2019
Horaires : Jeudi 5 et dimanche 8 décembre de 19h à 23h / Vendredi 6 et samedi 7 décembre de 20h à minuit



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.