Cinéma : Indianara, un documentaire de Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa



Au Brésil, l’âge moyen de décès d’une personne transgenre est de trente-trois ans. Durant deux, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa ont suivi le quotidien d’Indianara Siqueira, militante transexuelle engagée en politique. Cette activiste flamboyante lutte au jour le jour pour l’acceptation des personnes LGBTQ et la reconnaissance de leurs droits. Candidate aux élections municipales de Rio de Janeiro avec le slogan « une pute au conseil », elle est élue suppléante et combat en plein jour pour ses convictions. En 2016, elle prend l’initiative d’ouvrir un refuge, la Casa Nem, pour les personnes trans en situation de grande précarité.  Santé mentale, physique, orientation professionnelle, cette bulle protectrice propose un accompagnement pour pallier les déficiences de l’Etat. Au quotidien, Indianara organise et mène des manifestations, des cortèges mais aussi des fêtes. A la joie de l’intimité préservée du refuge succèdent les moments de grande tristesse, les enterrements ou le meurtre de Marielle Franco elle aussi militante et élue de Rio assassinée par deux policiers militaires. 







Tourné sous la mandature du président Michel Temer, durant laquelle les droits des personnes LGBTQ ont connu un fort recul, avant même l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, les menaces totalitaires et le vertige extrémiste, ce documentaire en immersion rend hommage au courage d’une activiste hors norme. A travers ce film puissant, de facture classique, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa tentent d’appréhender la transidentité qui condamne au Brésil ces personnes à une situation de survie, un danger permanent. 

Les réalisateurs ont su capter l’essence d’une lutte, le champ militant et saisir en parallèle, dans la sphère intime, un portrait de femme libre. L’histoire personnelle d’un personnage hors norme s’incarne dans ces combats. Indianara est le prénom qu’elle s’est choisi en hommage à ses origines indiennes et à Nara la femme trans qui l’a soutenue lors de sa transition. 

Assignée homme à la naissance, identité de genre féminine en désaccord, Indianara est rejetée par sa famille qu’elle quitte à l’âge de douze ans. Elle connaît la rue, la précarité, la prostitution, se fait opérer à l’âge de seize ans. A la fin des années 1980, elle s’engage dans la prévention contre le VIH qui fait des ravages dans la communauté LGBTQ. Menacée de mort, elle fuit à Paris où elle se prostitue. Alors qu’elle héberge des collègues, elle est arrêtée et condamnée pour proxénétisme. Après deux ans passés en prison en France, elle est expulsée définitivement vers le Brésil. Indianara choisit alors de s’engager politiquement auprès d’une gauche qui se révèle faussement inclusive. 




Par une série d’instantanés du quotidien, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa illustrent une vie de combats. Indianara, modèle de persévérance et de conviction, se rebelle contre l’inaction et le refus de soutien des dirigeants. Elle lutte en politique pour les minorités LGBTQ mais aussi pour les travailleurs en quête de justice sociale. Face à la menace, elle se fait entendre et refuse de s’éclipser. Son mot d’ordre, résister. Indianara met son charisme et sa ténacité au service de ses convictions pour l’acceptation et la reconnaissance des droits des personnes LGBTQ. Parfois le découragement survient, les fêlures se révèlent. Les instants de bonheur comme les pires douleurs sont filmés. A d’autres moments, ce sont les dissensions internes qui blessent ou bien les discriminations de la vie de tous les jours. 

En 2017, cent-soixante-dix-neuf personnes transgenres ont été tuées au Brésil. Les meurtres transphobes ont pris l’ampleur d’un véritable phénomène dans ce pays gangréné par la violence. En 2018, le refuge Casa Nem a été fermé, les locataires évacués. Les heures sombres s’annoncent, constat amer. Au plus près de ce personnage d’héroïne moderne, Indianara en lutte, ce documentaire aimerait redonner une lueur d’espoir.

Indianara, documentaire de Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa
Sortie le 27 novembre 2019



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.