Blueberry, le maki bar qui fait vibrer Saint-Germain-des-Prés, joue le soir la carte bar à cocktails, bar à tapas selon la grande tradition des izakayas japonais. Les nourritures habiles, joueuses et provocantes s’y déclinent sur le thème du California roll, des makis revisités embrassant la mutation des genres. Les noms délicieux de ces spécialités sont à eux-seuls une promesse de bonheur. Fraîcheur, délicatesse, impertinence joyeuse, l’originalité des assiettes à partager donnent le ton. Joli et chic, tout à fait dans l’air du temps mais avec un sacré caractère, l’établissement navigue à travers les contrées rares de la bienveillance. Les sœurs Marie-Lorna et Florence Vaconsin, entrepreneuses de choc et artistes inspirantes, veillent au grain. Au Blueberry, les ravissements s’expriment, sincères, et le restaurant affiche souvent complet. N’oubliez pas de réserver. J’avais dîner ici il y a quelques temps déjà, j’y retourne à l’occasion du lancement d’une nouvelle carte des cocktails. Mixologie aimable et compositions inattendues au programme !
Le Blueberry, nommé en hommage au film de Wong Kar-Waï My Blueberry Night, illustre par une scénographie originale l’attachement aux œuvres du réalisateur hong-kongais. Le décor imaginé par Gabriel Pistre mise sur les atmosphères atypiques. A l’entrée, le comptoir où œuvrent sereinement Mr Luu et sa brigade de maîtres sushi assure le show. Les espaces distincts déploient chacun une ambiance propre. Lampions multicolores pour la salle donnant sur la rue, tendance izakaya au bar face à la salle principale, plongée dans une pénombre colorée. Poutres et pierres apparentes nous rappellent que nous sommes bien à Paris. Le mobilier design et les néons colorés glissent les premières notes du dépaysement. Tablées animées et couples d’amoureux se laissent séduire par l’entrain du service, très souriant.
Le maki réinventé du Blueberry bouscule les codes et les habitudes. Les impeccables déclinaisons déploient des saveurs subtiles. A l’instar des assiettes, les cocktails traduisent un amour affirmé des beaux produits. Il s’agit ici de repenser les classiques, détourner les recettes par d’astucieux twists japonais afin de mêler l’inattendu et le familier. Les harmonies se révèlent euphoriques. Vélocité des exécutions, audace des créations, les recettes piquantes sont joliment troussées. Le Tokyo Spritz - Vodka, Umeshu, jus de yuzu frais, limonade - fabuleusement frais, exprime des parfums d’agrumes que soulignent de jolies notes florales. Pour accompagner, ce premier cocktail, quelques Edamames, des Haricots de soja frais et fleur de sel, et la Geisha de la rue du Sabot, une Crêpe croquante, thon, crème de truffe et ciboulette, diablement inventive.
Le Blueberry Night - Vermouth del Professore, Chartreuse verte, myrtilles fraîches, orgeat, saké - rappelle dans ces agréables nuances gourmandes l’esprit des Cosmopolitans. Mais la subtilité de ses accords créatifs est bien plus intéressante. Le Tataki de bœuf, Bœuf mariné, coriandre, oignons, piment d’Espelette, caracole avec panache. Les Sushis à l’anguille blanche et Saint-Jacques Tobiko rivalisent d’élégance. L’Assiette de sashimis spéciaux, carte blanche au chef pour un assortiment de son inspiration, sublime la chair des poissons dans un festival impeccablement articulé.
Le Red Shogun - Tequila infusée piment et baies de sansho, Bitter del Professore, liqueur de cerise, gingembre, prosecco - invite Amérique du Sud et Japon dans un même cocktail très chaud auquel on pourrait facilement attribuer le qualificatif de Nikkei. Pour les réfractaires aux spiritueux, il existe une occurrence sans alcool, le Matcha-litchi - Matcha, litchi, citron vert, sirop d’agace, myrtilles - qui assure son rôle avec finesse.
L’Okinawa Swim - Saint-Germain, liqueur de gingembre, Vermouth del Professore, ginger beer, Curaçao - bleu piscine des plus photogéniques, nous plonge dans un tableau d’Hockney. Pointes acides, rondeurs câlines, l’équilibre des nuances ravit les papilles. Les makis, stars incontestées des lieux, entrent en scène. Parfumés, enveloppants, les jeux de textures manifestent leurs contrastes entre croquant et fondant. Le White Unagi - Jeune anguille blanche ultra tendre, grillée minute, tempura de gambas, avocat, concombre, tobiko, bonite fumée - frappe fort dans l’inventivité d’une composition marquée par l’Umami.
Le Shiso Bomb - Saumon, avocat, shiso, radis jaune - et l’ébouriffant Rackham le Rouge - Tempura de gambas, thon mariné, carpaccio de truffe d’été, concombre, mayonnaise épicée, tobiko - ne sont pas en reste. La complexité des compositions explose en bouche dans un feu d’artifice de saveurs. Le savoureux Ponyo - Thon, pousses d’épinard, roquette, avocat, mayonnaise, épicée, crêpe de sésame et sauce sésame - se distingue par sa robe de crêpe évoquant les tortillas qui remplace la traditionnelle algue.
Un nouveau cocktail à tester. The Commodore - Bourbon Maker’s Mark, ginger wine, sucre muscovado, angostura - ravira les amateurs de Bourbon, solides accents boisés et épicés, intensité énergique. Le Maki Transsibérien - Crabe des neiges, gambas, pomme, pamplemousse, mayonnaise épicée, avocat, aneth, œufs de saumon - dépayse les palais avec un sucré-salé enthousiasmant. Le California for Ever - Crabe des neiges, gambas, avocat, mayonnaise épicée, quinoa soufflé, concombre, pousses de moutarde - s’amuse des textures contrastées, saveurs idoines.
Le saké pétillant Ninki-Ichi, une rareté aux fines bulles, introuvable à Paris, développe des accents fruités d’ananas et de pomme d’une délicieuse fraîcheur. Pour la note sucrée gourmande, l’assortiment de trois desserts maison se partage en toute saison selon l’inspiration du chef. Ce soir-là, la succulente Mini tarte à la crème de sésame noir volerait presque la vedette à l’élégant Cheesecake yuzu. Plus traditionnellement japonais, le typique Yokan, haricot azuki en gelée, compose avec des fraises et des framboises. Totalement régressifs, mon pécher mignon, les Mochis, maison également, fourrés à la crème glacée, se déclinent en quatre parfums vanille classique, thé vert nuancé, fleur de cerisier enjouée, et l’inénarrable myrtille.
La nouvelle carte des cocktails du Blueberry est à l’image de sa cuisine. Fusion, moderne et très inspirée. On aime, on adore ! Ce serait vraiment dommage de s'en priver.
6 rue du Sabot - Paris 6
Tél : 01 42 22 21 56
Horaires : Midi 12h - 14h30 (12-30 - 15h le week-end) - Soir 19h - 22h30
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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